Notes pour une psychanalyse du Valais

le 29 mars 2012, par Orgel, dans Brèves et nerveuses, Culture, le couteau entre les dents

Petit-Chasseur, Sion - 25 mars 2012

La haine du passé : Haine du passé au sein d’un pays ultra-conservateur : comprenne qui pourra et Chappaz déjà, dans les années 70, soulevait ce paradoxe (merci à notre lecteur pour le lien). Quarante ans après, rien n’a changé, si ce n’est l’indifférence générale devenue plus sombre et plus lourde. L’argument, toujours le même, revient en ritournelle : vous ne pouvez pas savoir à quel point les gens ont souffert ici, avant. Bon. Tout le monde a fini par accepter ce postulat de départ : la misère généralisée, le suçage des cailloux, les pieds bots, les goitres, la plaine marécageuse et la lèpre. Ces zones d’ombre du passé valaisan – bien réelles – sont devenues la version officielle, celle que tout le monde vous resservira, à droite comme à gauche. Cette dynamique du malheur justifie tous les excès, comme on pardonne à l’enfant traumatisé ses turbulences névrotiques. Mais ce que l’on voit détruire depuis cinquante ans, ce ne sont pas les reliquats d’une prétendue misère mais bien les témoins d’une vraie splendeur. Pour des goitreux débiles, les valaisans ne se démerdaient pas si mal en architecture; bientôt, seules les photos en sépia pourront en témoigner.

Pourtant, on a souffert aussi ailleurs, dans tout l’arc alpin et bien plus largement dans toutes les communautés paysannes. Beaucoup sont partis au Mexique, certains y ont fait fortune et sont revenus au pays construire de superbes maisons : je pense notamment aux villas mexicaines de la vallée de l’Ubaye. En Valais, on détruit ce patrimoine. Pourquoi? L’argent, bien sûr, mais on peut oser des interprétations plus larges :

La culpabilité du survivant : Rescapée deux fois de la tourmente européenne, la Suisse est un petit miracle politique. Oui. Mais, paradoxalement, on ne sort pas indemne de sortir indemne, c’est bête mais c’est comme ça. Celui qui survit est rongé par la culpabilité. Le pays tout entier est rongé par une honte indicible, par cette impression souterraine d’avoir trahi… Souvenez-vous du battage médiatique autour des 60 ans de la Mob, en 1999 ! L’occupation des frontières comme seule communion possible avec l’Europe martyrisée, c’est un peu maigre, mais on fête ce que l’on peut… Non, on ne se relève pas facilement du fait de survivre. Et en détruisant son passé, on croit détruire sa culpabilité. Mais ce n’est pas le chemin de la guérison; c’est le chemin du suicide. Cette interprétation, qui fera rire sans doute certains, est à mon sens une clé majeure. Cela fait quinze ans que je la cherchais.

Vieux-Moulin 37, Sion - 28 mars 2012

 

L’enfermement : À l’enfermement géographique vient s’ajouter un enfermement politique indissociable du système confédéral. Le ralentissement des mouvements de population provoque un appauvrissement culturel contre lequel le gouvernement fédéral ne peut pas lutter sans l’opposition viscérale des indigènes : on l’a vu avec l’initiative Weber. De quoi Berne se mêle-t-elle? Pourtant, le Valais est mort sans la Confédération, poisson rouge hors du bocal. Mais l’ingérence fédérale, on n’en veut pas. On règle tout entre amis. Berne peut s’opposer à des démolitions, personne n’en tient compte. Surtout pas les édiles.

Merde à l’or : L’argent, bien entendu. L’état, au lieu de se substituer à l’intérêt personnel, encourage les pratiques mafieuses des promoteurs. Les monuments historiques? Le patrimoine? L’inventaire? Tout s’efface devant le profit.

Clos Saint-Georges, Sion - 28 mars 2012

 

On ne détruit pas que des maisons, on arrache des racines. Ces témoins sont importants; ils nous permettent de nous positionner – inconsciemment – dans une épopée générationnelle. A force de déstructurer le tissu urbain, on coupe le lien social et on tue la poésie : plus de places, plus d’arbres où s’arrêter un moment vérifier l’avancée du printemps, plus d’herbes entre les pavés, plus de fleurs dans les murs de pierres sèches, plus d’allées de gravillons délimitées par des petits blocs de tuf, plus de gouttières ornementées, plus de clochetons, plus de chemins, plus rien. L’importance de ces petites choses ne réside pas dans leur nature intrinsèque mais dans le fait qu’elles nous ont précédés et qu’elles nous survivront; l’homme a besoin de ces bornes, comme il a besoin de ses parents et de ses enfants pour s’épanouir. L’argent en abondance lui donne le sentiment maléfique d’être un démiurge, à chaque génération : il abat, il construit, il déchire les pages. Même dans les zones protégées il laisse sa trace. Le malaise, qui conduit certains au suicide, est d’autant plus pervers que difficile à cerner : pourquoi suis-je malheureux dans un des pays les plus opulents de la planète? Parce qu’on m’arrache ces bornes en me laissant croire que je suis puissant alors que je ne suis rien sorti de la lignée multiséculaire. Et pour toutes les autres raisons évoquées plus haut, les unes aux autres étroitement imbriquées.

Orgel

 

Un soutien de taille

le 12 mars 2012, par Fernand, dans News

Certaines mauvaises langues affirmeraient que Jean-Yves Gabbud a été, durant cette campagne de votation sur l’initiative dite Weber, le porte-parole des promoteurs, des spéculateurs et de ceux pour qui le statu quo servait l’intérêt personnel.  Il n’en est rien.  Dans une fine analyse politologique dont il a le secret, JYG compare cette votation à une défaite du FC Sion :

« Bien entendu, au moment de la défaite, certains se réjouissent. Le FC_Sion a perdu? «C’est bien fait pour Constantin qui nous agace.» Le Valais touristique a
perdu? «C’est bien fait pour les promotteurs.» »  (promoTeur, vous avez dit promoTTeur ?)

C’est extrêmement fin mais on ne peut que donner raison au rédacteur-en-chef-adjoint-spécialisé-politique-locale-et-combat-de-reines : comme Christian Constantin dirige le FC Sion, les promoteurs dirigent la politique touristique valaisanne.  C’est une vérité que l’on a pas assez souvent entendue de la part des collègues journalistes. C’est courageux !  Et il temps que cela change. Il est temps qu’un domaine aussi sérieux soit repris en main par les politiques qui répondent  au besoin de l’intérêt général et non aux intérêts particuliers de quelques spéculateurs. Et on se réjouit du soutien de Jean-Yves Gabbud dans ce combat !

Pour 700 balles, t’as plus rien !

le 9 mars 2012, par Fernand, dans Humour de gauche, Non classé, Nos confrères

Lesobservateurs.ch se prévalant d’un «budget de 450 000 francs pour deux ans et demi»,  il est possible, en consultant des sommités du monde mathématique, de calculer le budget annuel dudit pure player. Avec le théorème dit « de la règle de trois » il n’est pas malhonnête intellectuellement d’affirmer que le budget annuel doit être d’environ 180’000 francs suisses.

Durant la semaine qui s’étend du vendredi 2 au vendredi 9 mars, il s’était écrit, sur ledit site internet,  5 articles (en comptant les articles des chroniqueurs invités). Comme il est plus ou moins admis qu’une année compte  52 semaines et que les journalistes pas-politiquement-corrects ne prennent pas un seul jour de vacances, on peut en déduire, qu’à ce rythme, pas moins de 260 articles seront publiés sur une période équivalente à une année. On peut, par là-même, en déduire , en proportion du budget annuel, que le coût net d’un seul article  desobservateurs.ch se monte à 690 francs.

Nous ne pouvons que féliciter la direction desobservateurs.ch pour sa politique salariale et son altruisme envers les chroniqueurs et journalistes du groupe. Il est habituellement très rare dans les métiers de la branche (pensez aux pigistes et  journalistes stagiaire) d’être aussi bien rémunérés. Nous espérons que les syndicats sauront faire un geste de remerciement à cette charmante entreprise qui fait tellement pour la cause syndicale. Félicitations à eux !

 

Le MCCVs se dévoile

le 6 mars 2012, par Fernand, dans Non classé

Le mouvement chrétien conservateur valaisan via Grégory Logean veut  réintroduire la peine de mort. Nous avons réussi à mettre la main sur toutes les propositions du programme politique  du MCCVs. Les voici :

– Nous demandons la restitution  du «patrimoine de saint Théodule» et le  rétablissement du pouvoir de Prince-êveque. La Saint Schiner sera jour chômé.

– Nous recommandons la charité avec les goitreux et autres enfants du Seigneur malgré leurs vilains défauts.

– Malgré des conséquences positives- diminution drastique du nombre des bouches à nourrir – la peste sera combattue et éradiquée.  Des prières à St-Roch, patron des fourreurs et des apothicaires ainsi que des processions de flagellants seront exigées. Le traitement médical de pointe  dit « électuaire des trois adverbes » : « cito, longe, tarde », pars vite, va loin, revienstard  sera institué. Le Lazaret de Suen sera tenu par les sœurs de Marie qui défait des nœuds.

– La lutte contre les belliqueux envahisseurs savoyards sera l’une de nos priorités.

– Des routes hydrauliques verticales seront inaugurées dans nos vallées pour pouvoir  actionner des moulins. Les redevances et retours de concession de ces moulins  iront au Chapitre et aux divers ordres religieux.

– Le FC Sion deviendra un club « apolitique, chrétien et conservateur. »

-Martigny, Sion, Sierre et autres patelins tenus par les Jeunes Suisses et suppôts des Lumières passeront du statut de châtellenie libre à celui de seigneurie épiscopale.

– Suite à des débordements, la chasse aux sorcières et personnes pratiquant sortilèges et autres diableries (musique rock par exemple) sera règlementée et son activité contrôlée par l’inquisiteur dominicain De Riedmatten.

– Les juifs -ils ont assassiné le Seigneur!-  seront, par esprit de charité, repoussés au goulet de St-Maurice.

Pour plus d’informations, envoyer un pigeon à Grégory Logean.

 

 

C’est la crise

le 5 mars 2012, par Orgel, dans Brèves et nerveuses

Écrire au journal qui transmettra

Orgel, douanier

Demain dans les bacs

le 26 février 2012, par Fernand, dans Non classé

La femme à Debons

le 19 février 2012, par Fernand, dans Culture

Valais terre de progrès. Savièse, terre de deux conseillers nationaux, où les femmes, comme disait l’autre, ne naissent pas femmes mais deviennent des « femmes de ».

A noter que la femme du curé est dispensée de commission scolaire.

Les observateurs.ch ou le renouveau du journalisme d’investigation

le 13 février 2012, par Fernand, dans Brèves et nerveuses, Humour de gauche, Nos confrères

Le monde se divise en deux catégories. Non pas ceux qui ont une pelle et les autres comme voudrait le faire croire Sergio Leone, mais  ceux qui  ont un comité éditorial au cul et le reste du monde.  Le reste du monde,  ingrat à souhait, depuis deux semaines, abuse de moqueries sur les réseaux sociaux, blogs et autres volumens contemporains.   On nous avait annoncé un budget d’un demi million de francs (suisses) et les plumes admirables des  Léon Bloy des vallées latérales, des Chesterton lémaniques et autres Mishima du  Plateau suisse et nous n’avons pas été déçus. Nous avons eu droit  à un blog propulsé par WordPress (thème par défaut) avec Uli Windisch, Philippe Barraud et Olivier Grivat comme plumitifs de base.

Depuis leur bunker dans la région d’Andermatt où ces derniers se sont repliés  en attendant la fin de la guerre froide (copyright Emir Kusturica), une lutte à mort contre le communisme international et sa cinquième colonne en Suisse est menée.  Le mal est partout . Tamedia et Hersant, « ces multimillonaires de gauche »  sont les thuriféraires de Moscou obéissant aux ordres de Christian Levrat. La preuve ? Ils ont refusé de mettre de l’argent dans le projet si prometteur d’Uli Windisch ! D’ailleurs tous les journalistes sont des communiss (copyright Ignatius J. Reilly) -à l’instar des Jacques-Simon Egli et Fathi Derder- et s’emploient bien souvent, à leurs heures perdues, à infiltrer l’Etat fédéral. Quiconque connait l’entrisme des militants troskystes ne peut être dupe devant telles fourberies! Lire le reste de cet article »

Un livre, meussieu, quessqueçé?

le 10 février 2012, par Orgel, dans Brèves et nerveuses, Culture, La poésie acratopège, Radicalement vôtre...

Alors que Monthey détruit son centre ville, que Sion s’apprête à poursuivre son œuvre de destruction en jetant à bas le Vieux Moulin et toutes ces sortes de (vieilles) choses, je lance un rot retentissant et, la bière posée sur le bide, je vous contemple désespéré, ô vous mes frères humains (qui en même temps que moi vivez).

Vivrai-je assez longtemps pour voir sur le trottoir une Porsche Cayenne bradée à 400.- francs par un trader ruiné ?

(Veuillez noter que Boris, qui à l’époque était trop jeune pour acheter l’auto, a quand même réussi à piquer au monsieur son chapeau-boule. « Merci à Dieu d’avoir créé les chapeaux-boule »)

Vivrai-je assez longtemps pour voir les couloirs des centres commerciaux de Sierre, de Martigny, de Monthey et de Sion se décrépir, tomber en ruine, suinter le salpêtre et puer le vieux pipi ? Avec des herbes folles un peu aussi et des vieux en guenilles style genre Céline échappé de Meudon errer en hurlant comme des spectres, dedans les couloirs ? Hein ?

Vivrai-je assez longtemps pour connaître le litre de tazoute à 10 balles?

Vivrai-je assez longtemps pour voir frappé de sénilité précoce cette vieille merde de spéculateur de mes couilles cet architecte qui attend la ruine des maisons Art Déco du Chanoine-Berchtold pour se faire un gros profit bien gras ? On m’a dit qu’il était fils d’un artiste, je ne peux pas le croire. Ou alors c’est le fils d’Arno Breker, peut-être, qui est au monde des artistes ce que je suis au clergé : un pas grand chose.

Vivrai-je assez longtemps pour faire lire Sous l’œil des barbares à tous ceux qui croient que je parle de Maurice Barras quand j’aborde le Culte du Moi ?

Vivrai-je assez longtemps pour voir Philippe Nantermod à La Liseuse? Ah oui, car le 11 mars prochain, il vous faudra choisir entre payer vos Quatre accords toltèques 5,50 CHF sur les gondoles de Maxi-Bazar et dénicher Scènes de la vie d’un faune d’Arno Schmidt dans la nouvelle traduction parue chez Tristram (à 34,70 CHF) chez votre libraire qui fait un vrai métier de libraire. Parce que Nantermod, il a raison, Maxi-Bazar il pourra faire des monstres rabais sur Allen Carr, ou sur Guérir le cancer du cordonnier mal chaussé de Servan-Schreiber, parce qu’il les achètera par palettes entières, ses bouquins. Ce qu’il n’explique pas, Philippe, c’est qu’on ne trouvera jamais Cioran chez Maxi-Bazar. Et c’est justement pour pouvoir continuer à trouver Cioran à La Liseuse que tout le monde doit y aller, même (et surtout) pour acheter le Da Vinci Code.

Ce qui me désole, dans cette histoire, c’est que je suis d’accord avec Chantal Balet. Au moins, elle, elle sait ce que c’est qu’un livre. Pas comme Frédéric Lefèbvre Philippe Nantermod qui ne voit que sa petite économie ridicule réalisée sur le dernier manuel de droit pour les Nuls.

La Suisse a mis 26 ans pour s’apercevoir que donner le droit de vote aux femmes n’avait pas conduit la France au chaos (quoique mai 68, quand j’y pense, c’est pas un truc eud’gonzesses?); elle a eu besoin de 30 ans pour offrir au livre un prix unique (car je ne désespère pas totalement de mes frères). Il y a aussi une solution, Philippe Nantermod : un livre unique. Comme ça on règle tous ces problèmes d’intellos à la con.

Becs

Orgel, « vous avez les fourberies d’escarpin? » « non, mais j’ai Zadig & Voltaire »

 

La risposte urbaine de Monthey…

le 31 janvier 2012, par Orgel, dans Brèves et nerveuses, Culture

 

Fernand Mariétan parle de « riposte urbaine ». Riposte à quoi, à qui? Riposte à tous les opposants qui ne veulent pas vivre dans un grand supermarché? L’ancien centre-ville se mourait, dit-il, mais à qui la faute?

Non mais dites-moi un peu si je suis le seul à souffrir devant une telle image?

Je voulais faire un grand article polémique, mais je n’en ai même pas la force.

On démolit Notre-Dame
les broyeuses entrent en action
les gens se disent faut se faire une raison
c’est le programme
et puis on a bien rasé Saint-Symphorien,
Saint-Germain-le-Vieux, Saint-Christophe,
Saint-Denis-du-Pas, Saint-Martial, Saint-Jean-le-Rond
qui existaient encore parait-il en 1754
alors pourquoi pas cette grande construction ?

Raymond Queneau