Bibollet, le roi des bobets
le 20 janvier 2015, par Orgel, dans le couteau entre les dents, ReligionChristian Bibollet, membre du Réseau évangélique suisse, nous livre une délicieuse chronique dans le Temps du 19 janvier : La liberté d’expression oui, mais dans le respect de l’autre. Le ton est donné, et on pourra faire l’impasse sur la lecture du papier si on ne veut pas s’étrangler en mangeant son corned beef (si d’aventure vous lisez en mangeant, ce qui ne se fait pas).
Ce qui ne se fait pas, justement, c’est d’être vilain avec la religion d’autrui. Ah! L’esprit Charlie […] défend l’idée et la pratique qu’on puisse rire d’absolument tout, écrit notre illuminé, ce à quoi on pourra lui répondre bien certainement, mais pas avec Bibollet. Celui-ci entend remettre en question une liberté d’expression qui ne s’en tient pas à la critique de la pensée mais s’en prend aux personnes. Allons bon. Il faudrait, M. Bibollet, relire vos Charlie hebdo avant d’écrire des âneries, d’autant plus abjectes que l’odeur de la poudre flotte encore rue Nicolas-Appert (l’inventeur de la conserve alimentaire, d’où l’allusion au corned beef)(tout est lié).
La critique fondamentale de Charlie hebdo est la critique de la pensée malfaisante, celle qui préside aux massacres, aux décapitations, aux explosions de bombes attachées sur des fillettes, à l’assassinat de femmes en cours de travail, aux viols, aux incendies de villages, aux lapidations, à l’érection de murs; la pensée pourrie qui préside aux check-point, aux blocus, à la destruction, à l’intolérance, à la torture, aux coups de fouet, au mépris de la vie humaine; la pensée infâme qui préside à l’exécution d’êtres humains au nom d’un dieu. Charlie s’en prend aux prêtres pédophiles, aux curetons fascisants, aux juifs ultras et à leurs coutumes misogynes, aux cathos intégristes, aux barbus hallucinés et à la conception relativement étrange du bonheur terrestre qu’ont tous ces gens-là. Voilà la critique fondamentale de Charlie, ô prédicateur insensé. C’est la critique de la connerie.
Charlie hebdo raille et ridiculise en soulignant constamment son mépris des religions, écrivez-vous. Charlie hebdo raille et ridiculise les malades mentaux qui utilisent ces religions pour légitimer leur folie, auriez-vous dû écrire. Il est impossible de se reconnaître dans des caricatures de cinglés si on vit sa croyance avec un tantinet de recul, et c’est bien pour cela que 99% des musulmans se moquent comme d’une guigne d’un dessin de Charb. C’est bien pour cela que votre papier est non seulement nauséabond mais aussi insultant pour les musulmans qui vous lisent, que vous présupposez suffisamment dénués de sens commun pour s’indigner d’un coup de crayon. Car, voyez-vous, assassiner des gens parce qu’ils ont dessiné un barbu avec une ogive sur la tête, c’est manquer singulièrement de recul.
Quant à suggérer à mots couverts que les dessinateurs de Charlie ont attisé la haine mondiale avec leurs crobards, c’est faire trop d’honneur à un journal qui se cassait la gueule avec moins de 30000 exemplaires vendus par semaine, et qui a dû faire un appel aux dons peu de temps avant le massacre. Le 11 septembre, c’est sans doute de leur faute, et Boko Haram aussi. Quand vous écrivez que certains se servent de la liberté d’expression pour humilier et détruire et ainsi rendre impossible la rencontre et le dialogue avec autrui, on a de la peine à croire que vous parlez des dessinateurs de Charlie. Vous me flanquez la gerbe, tiens.
Pour que la critique produise quelque chose de bon, il faut se souvenir que les hommes sont plus que leurs convictions ou leurs religions et qu’ils ont, par le seul fait d’être humains, un droit absolu au respect. Vous avez entièrement raison. Allez donc dire ça aux fous furieux qui trouvent dans leurs convictions ou dans leurs religions la force d’égorger un pauvre type.