Mémouares d’architèchtes

Inventaire

Une pierre
Deux maisons
Trois ruines
Quatre fossoyeurs
Un jardin
Des fleurs

Un raton laveur

                                     J. P.*

Je prie d’ores et déjà les millions d’internautes transis, de geeks fanatiques et de no life idolâtres qui me lisent aux quatre coins de la planète et qui me pressent, jour après jour, dans de longs mails enflammés et fous, de réagir et de régler une fois pour toutes tel ou tel sujet d’actualité à portance universelle de m’excuser humblement: malgré mes nombreuses compétences en ces domaines, cette fois encore je ne traiterai ni de la montée de l’insécurité islamiste, ni de l’incroyable progression de l’incivilité soixantehuitarde, galopant en nos belles rues pavées, ni du conflit israélo-palestinien, ni même d’une possible implantation sur la Lune d’une prison internationale (avec chaises électriques) pour les criminels pédophiles super-dangereux. Cette fois, sans doute parce que je n’éprouve en ces heures de solitude sombre, de profonde tristesse et de désarroi sans fond qu’une nostalgie vague et un amour absolu pour les vieux cailloux joliment entassés, je ne parlerai que d’un sujet exclusivement séduno-sédunois.

HaldirAlarion, Monster57, samira75000, BB_vloum et, toi aussi, Zineb 7, vous que je sais accrochés à mes écrits un peu partout de par le vaste monde, je vous prie donc d’excuser la mesquinerie des considérations aussi communes que communales qui vont suivre.


Entre les deux bâtiments ci-dessus, les plus observateurs d’entre vous auront, j’en suis sûr, noté quelques subtiles différences: ils ne sont pas de la même couleur, il y a un étage de plus à gauche,  il y en a un qu’a des monstres jolies cheminées p’is des balcons tout le tour et l’autre, ben, un peu moins. Et p’is, aussi, une absence totale de vieux volets qui claquent au vent parce qu’on les a mal attachés le matin se fait cruellement sentir sur celui de droite.

Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, ils ont aussi plein de choses en commun et c’est ça qui serait joli et assez rigolo, si, à la fin, cela n’était pas si triste…

En premier lieu, ces deux fiers et nobles édifices ont été construits en regard des remparts: le premier à l’extérieur bien sûr, afin de déplacer les activités artisanales et paysannes en dehors des murs de la cité, et le second à l’intérieur afin, en un autre âge, de maintenir des activités commerciales dans le centre-ville historique, au sein de ses mêmes murs, disparus depuis. Ils répondent en cela, tous les deux, aux besoins et envies de cette agglomération.

Ils font, aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, partie de notre histoire, l’histoire de cette ville.

Un deuxième point commun est sans doute que leur édification a répondu à un besoin évident d’adéquation à leurs époques, avec une architecture qui se voulait un témoignage du besoin absolu des hommes de marquer leur temps. Ces contructions n’ont pas été motivées que par la nécessité ou le goût du lucre. Elles n’ont pas, elles,  été conçues dans la seule optique froide et sournoise d’un rendement maximum. Elles étaient aussi et surtout un message, une marque et une affirmation pour les générations futures du potentiel créatif des hommes de ces temps-là.

Elles sont, aujourd’hui, qu’on les aime ou non, l’histoire de cette ville, notre histoire.

Et puis, au fil des ans (et c’est leur troisième point commun) ces deux ouvrages ont subi l’insupportable outrage du « c’est quand même plus pratique comme ça »: ils ont changé de couleur, de forme, d’esthétique pour la seule raison que leur temps a passé et qu’il a fallu absolument corriger, refondre, rogner, raturer, dégauchir ce qui n’était plus au goût du jour.

Mais ils n’en restent pas moins notre histoire et notre ville.

Et enfin, pour prendre un exemple plus personnel et sans objectivité aucune, je crois que, étant enfant, j’ai eu autant de plaisir véritable à m’imaginer vivant dans cette grande maison grise et sa tour mystérieuse qu’à descendre et gravir sans cesse, tout au long des mercredis après-midi pluvieux, les incroyables escalators de chez Küchler-Pellet SA.

C’est mon histoire. Et c’est aussi ma ville.

Au joli matin du 16 septembre, le Conseil Municipal de la Ville de Sion communique qu’elle a l’infini plaisir de remettre le prix d’architecture de la Ville (c’est une première) à l’architecte  André Perraudin, père du bâtiment de Küchler-Pellet SA (à droite donc), malgré les rajouts inappropriés et disgracieux et octroie à son fils Jean-Pierre l’autorisation de foutre en bas le Clos Saint-Georges (à gauche, de fait) parce que les rajouts sont inappropriés et disgracieux!

C’est, visiblement, leur ville et leurs petites histoires.

Alcazard, déjà heureux de voir remettre, l’année prochaine, le prix d’architecture de la Ville de Sion à A. de Lavallaz.

*nom connu de la rédaction

Un commentaire pour “Mémouares d’architèchtes”

  1. Olivier ThuriotNo Gravatar dit :

    Merci pour ce beau texte. Vraiment.