Un raccourci délicieux dans le numéro du Temps d’hier, au hasard des pages:
– la publication, d’ailleurs contraire aux dernières volontés de l’écrivain, des fiches de travail du roman inachevé de Nabokov;
– l’affaire des fichiers pédophiles téléchargés par un cadre de la RSR.
Lolita s’est vendu à plus de 15 millions d’exemplaires, et a assuré la fortune de Nabokov, de sa femme et maintenant de son fils Dmitri, qui a décidé de rendre publiques les fiches bristol préparatoires du dernier roman de son père. Celui-ci doit mourir une deuxième fois de là où il est, en voyant ses brouillons bien maigres livrés en pâture par son propre rejeton.
Lolita raconte la passion déraisonnée d’un homme mûr pour une nymphette de douze ans. Les photos retrouvées sur la bécane de la RSR montrent des jeunes filles sensiblement du même âge dans des poses érotiques.
Je persiste à penser que la vraie perversion est à chercher dans l’arsenal judiciaire, qui condamne une attirance que la nature encourage. Le début du cycle menstruel et la naissance des formes débutent en général bien avant l’âge considéré comme légal pour les galipettes. C’est entendu, cet homme est un imbécile qui télécharge ces photos sur son poste professionnel. Il est bien puni : il a perdu son boulot et doit suivre une psychothérapie (ce qui ne peut pas lui faire de mal, du reste). La justice, qui aimerait bien forer dans les cerveaux, n’arrive pas encore à établir de frontières entre le fantasme et le passage à l’acte; on a peur que cet homme aille tripoter des enfants. Mais il y a de fortes chances pour que cet homme ne soit fasciné que par la naissance du désir, par la magie de l’éclosion de la sexualité et par le potentiel énorme d’une fécondation sublime et fantasmée. Fasciné par le mystère de la vie, en quelque sorte.
Mais attention, à quarante piges, plus question de jouer à touche-pipi. La fascination de l’autre, du sexe opposé et de la petite culotte sont du domaine privilégié de l’enfance; le vieux schnoque, s’il n’a pas pu faire le deuil de ses espérances, n’a plus qu’à se pendre.
C’est sans compter sur le frein et le tabou naturels à de nombreux individus qui, s’ils contemplent des images prétendues répréhensibles, ne passeront jamais à l’acte. La justice ne s’encombre pas de poésie. Elle applique aveuglément le principe de précaution. Celui-ci est à respecter scrupuleusement pour tous ceux qui conçoivent des attirances déviantes pour les enfants qui ne sont pas encore hormonalement sexués; mais j’affirme que le cas devient plus délicat lorsque la nature elle-même semble accorder les prémices d’une autorisation.
Rappelons encore ici qu’un adolescent de quatorze ans déniaisé par une quadragénaire délurée fera rire tout le monde (et peut-être aussi des envieux). En inversant les sexes, c’est la prison qui t’attend, mon frère.
Et voilà donc dans le Temps d’hier ce délicieux raccourci :
– à ma gauche une dynastie enrichie par le récit d’un fantasme,
– à ma droite un homme brisé par le même fantasme.
Orgel, toujours intrigué par les mystères de la vie, à son âge, franchement.