C’est vraiment de la merde ce qu’écrit Jean-Romain

Autant vous le dire tout de suite, cet article n’a rien de scientifique. Je le dis surtout à l’intention des internautes de mauvais goût qui auraient eu l’idée folle et saugrenue, dans un moment d’abandon, sans doute pris de boisson ou les sens et la perception troublés par quelques substances hallucinogènes et illégales, de chercher sur le net des renseignements peu avouables sur la pathétique existence  du philosophe motard  en Googelisant « Jean-Romain nude » et qui seraient malencontreusement tombés sur ce site: ceci est un blog d’infâmes gauchistes fomentant en cachette  dans leur loge franc-maçonnique la chute prochaine du tout puissant capital et l’avènement d’un nouvel ordre mondial à base de fromage de chèvre bio, de terres cuites auto-gérées et de macramé pour tous. Alors c’est peu dire que ce qui va suivre ne sera certainement pas en honneur de Monsieur Putallaz et qu’il ne faut absolument pas vous y fier si vous comptiez lui offrir une place de recteur à l’université de Fukoshima. Ne vous privez pas, nous cela nous fera des vacances.

Pour ma part, je m’étais finalement décidé à vivre entouré de tristes cons que seule la peur du point Goldwin et du procès en diffamation m’empêchait de traiter à tour de bras de fascistes. La droite décomplexée est bien là, posée sur son beau gros cul de bourgeoise honnêtement haineuse feulant d’un ton roque, crachant à gros glaires poisseux et  tremblant de crainte  dès qu’on passe un peu trop près de son pré carré. La chienne, la galeuse reprend peu à peu sa gueule la moins avouable, celle des années noires, celle qui la força soixante années durant, de honte, à faire bonne figure et à montrer un rien de politesse. Mais ce repli n’était que provisoire. Revoilà la légitimé du bon droit, l’honnêteté et le bon sens qui reprennent du  service et il va falloir nous y faire. Je me disais donc, replié fœtalement sur mon futon drapé de satin blanc, que mieux valait m’inscrire immédiatement à l’école club Migros pour un cours d’anti-communisme primaire accéléré afin de survivre au tsunami liberticide qui ne saurait  tarder à déferler. Pour le reste, ayant la chance d’être plutôt du bon blanc et de langue maternelle française jusqu’à onze heure trente du matin, je devrais pouvoir échapper dans un premier temps aux rafles que l’UDC, après sa victoire écrasante d’octobre prochain, ne manquera pas d’organiser contre les différentes communautés étrangères afin de récompenser ses membres les plus méritants regroupés en joyeuses et bouillantes milices aux jolies bottes graissées et brillantes.

« Mais bon, me dis-je en me reversant encore un peu dans ma coupe en cristal de Bohème de ce champagne qui, à défaut d’être bon, me coûte un bras (mais il faudra bien que je m’habitue), ce n’est que des étrangers en fin de compte. Si je ferme bien ma gueule, il y aura bien un moment où ils oublieront que je fus un court instant un tout petit peu rouge voire noir. Et encore, juste parce que ça se faisait dans le milieu où j’ai grandi. Est-ce que c’est ma faute à moi si mes trotskistes de parents m’ont obligé à lire le Capital quand tous mes copains faisaient leur première communion? Est-ce bien à moi de battre ma coulpe si mes géniteurs infâmes, qui mangèrent bon nombre de mes frères et sœurs faute de véritable courage et de malice pour manger ceux des voisins, si ces monstres rouges m’obligèrent toute ma petite enfance, aux heures vespérales,  le visage pieusement baissé sur une icône de Lénine, les yeux mi-clos,  les genoux cagneux meurtris par la froide arête de la règle en fer posée au sol, à réciter le « Notre petit Père des Peuples » que nous captions à l’aide d’un petit poste à galène de fabrication tchèque  sur Radio Pravda?

Bref, prêt à tout pour faire oublier mes égarements passés, j’étais bien décidé à fermer ma gueule une fois pour toutes, vautré, nu entre la douce chaleur de ma femme du moment et celle de la prochaine,  consacrant toute mon énergie créatrice et mon talent indicible uniquement à la contemplation fière et fébrile de mon nombril proéminent. Mais voilà que ce jeudi matin, attablé devant mon grand bol fumant de Jim Beam chaud au miel, en consultant sur mon I-Pad dernière génération les faits et gestes de mes comparses encore actifs, au détour d’une remarque insignifiante de Croquignol, la bête du gauchisme que j’avais enfin réussi à faire taire et qui restait bien sagement tapie au plus profond de moi se réveille et s’ébroue. « Quoi? m’écriais-je, Jean-Romain parle de contre-culture dans le NF du jour!? Alcazard, mon gros et bon garçon, il te faut, de ce pas, en prendre connaissance. » Je chassais donc d’un geste preste la fille au prénom incertain qui se trouvait toute occupée à me laver les pieds et me ruais au bistrot le plus proche afin de consulter le dit article.

Qu’est-ce qui a bien pu forcer Jean-Romain à s’occuper de contre-culture, me questionnai-je sans cesse  au volant de ma Porsche Cayenne noire métallisée le long du parcours. Ce doit être une erreur, c’est surréaliste! Où a-t-il bien pu traîner pour mettre un pied dedans? Il reste un endroit à Genève? Des squatters ont-ils occupé un hypothétique immeuble  familial et inoccupé? Lui a-t-on tagué en rose fuchsia sa BMW R1200GS Adv. dans la cour du collège Rousseau?  Par quel malheureux hasard s’est-il retrouvé au Galpon pour une pièce de Geneviève Guhl? Aurait-il bu par erreur, dans un concert interlope de l’Usine et au petit matin une bière tiède qui avait auparavant servie de cendrier? Lui a-t-on versé du GHB à la nuit On/Off au Màd, développant chez lui, en même temps qu’un formidable mal au cul, une omniscience du milieu alternatif genevois? Il ne va tout de même pas imaginer que la fréquentation de quelques coteries branchées dans quelques lieux in du Genève bien-pensant et propre sur soi fait de lui un expert en culture alternative?

Je fut rapidement rasséréné à la lecture de sa prose: il avait lu un livre. « Révolte consommée » ça s’appelle. Ça démontre, avec brio paraît-il, comment, et là je cite, « comment la contre culture, depuis les premiers hippies des années soixante jusqu’aux altermondialistes actuels, a été un échec dans sa lutte contre le capitalisme, qui ne s’est jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui. » Alors moi je dis: est-il possible d’écrire plus grande connerie? Quelle altération mentale peut bien vous conduire, à partir d’un constat (sans doute vrai) à des conclusions aussi fantaisistes et dénuées de sens que celles que nous livre le Professeur Putallaz? Est-ce qu’il est possible de méconnaître et de mépriser à ce point les gens pour réussir à pondre une telle ânerie: si les alter mondialistes ont perdu leur « combat » contre le grand Capital c’est que, d’abord, c’est tous des gros cons qui comprennent rien et ensuite que le capitalisme c’est trop bien. Oui, le chantre de la lutte anti-soixante-huitarde pousse dans cet article sa haine de ceux qu’il appelle les rebelles jusqu’à glorifier  le consumérisme qui répond, toujours selon lui, à un vrai besoin du peuple et lui permet de s’identifier au groupe. Lui qui conspua à longueur d’éditos abscons le bougisme constant de cette société moderne, lui qui chante à qui veut bien l’écouter que l’on ne concevrait vraiment le Dasein que seul, au guidon de sa BMW en roulant  vers Paray-le Monial, nous sert aujourd’hui un panégyrique de la course à la consommation de masse. Le ridicule ne tuant pas il va même jusqu’à imputer l’échec et la récupération commerciale de ces mouvements de contestation ainsi que le triomphe insultant du capitalisme à ceux qui s’y sont justement opposé. C’est affligeant de médiocrité intellectuelle et ça frise l’imposture. Et ce, sans parler du profond courage et de la belle conscience morale qu’il lui faut pour tirer à boulet rouge contre ceux qu’il considère de son propre aveu comme les perdants de l’histoire.

Pour la fin, je signalerai enfin que Monsieur Putallaz a poussé son amour de la controverse et son sens du débat en sous-entendant avec bravoure et audace, au détour d’un autre argument fallacieux, dans le quotidien régional d’un canton sans université, que Marx avait tort. Je tiens ici à répondre sans détour avec le même aplomb et la même richesse d’argumentation dont il fit montre: c’est faux.

Alcazard, élu meilleur ami d’Uli Windisch pour l’année 2008

5 commentaires pour “C’est vraiment de la merde ce qu’écrit Jean-Romain”

  1. Jean-BabouinNo Gravatar dit :

    Café de la Grenette, 1939, Berlin.

    Sincèrement, changez donc de disque. Ca en devient lassant.

  2. CroquignolNo Gravatar dit :

    A propos du livre « Révolte consommée », il faut préciser que les auteurs critiquent la contre-culture, car elle n’est: « finalement qu’un ensemble de gestes spectaculaires, entièrement dépourvus de conséquences politiques ou économiques progressistes, qui font oublier l’urgence de bâtir une société plus juste. (…) Sa grande faiblesse est de n’avoir pas produit une vision cohérente d’une société libre – pour ne rien dire d’un programme politique applicable » Et après, ils proposent diverses solutions plus ou moins bonnes.

    Je précise car à la fin de l’article de Jeanjean, il est écrit que critiquer telle multinationale, signer des pétitions, ou arracher des plans de maïs transgénique, c’est engraisser le capitalisme. Et on pourraît croire que cette réflexion absurde est tirée du livre, ce qui serait dommage, car il développe quelques points intéressants.

  3. OrgelNo Gravatar dit :

    Pauvre Jean-Romain. Il faut vraiment qu’il aille consulter un spécialiste; sa rage monomaniaque contre les soixante-huitards frise à la pathologie. Est-ce parce qu’il regrette de n’avoir pas saisi cette chance de dégrafer enfin son poitrail?
    Jean-Romain pense que la masse a raison, qu’il est stupide d’aller à l’encontre du hamburger quand tout le monde mange des hamburgers.
    Jean-Romain me cause une peine infinie.
    Il dit, je cite: « Pourquoi les innombrables mouvements contestataires qui ont tenté (…) de résister à la machine du système capitaliste ont-il un si maigre bilan à leur actif alors que leur énergie était si forte et leur mobilisation si importante? Réponse: parce qu’ils ont fondé leur action sur une analyse simpliste. »

    Le vieillard qui s’est fait battre à mort à la terrasse du Flore lors de la déclaration de guerre en août 14, parce qu’il pleurait au lieu de chanter la Marseillaise, ne mangeait pas les mêmes hamburgers que ses voisins.

    Les Allemands qui se sont suicidés en janvier 33 non plus.

    Pas plus que tous ceux qui ont eu un jour le courage de résister.

  4. OrgelNo Gravatar dit :

    Ah et puis j’oubliais. Pourquoi « contre-culture »? Le capitalisme nous propose-t-il donc une culture contre laquelle il faudrait lutter? Les alter-mondialistes luttent contre une vision du monde étouffée par l’argent, la cupidité et la bêtise. La culture est intemporelle et détachée de toute contrainte politique ou économique; la culture part d’un postulat irréfutable: l’homme premier servi, avant l’argent, Dieu et tout le reste.

  5. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Orgel est revenu!! avec les hirondelles!

    Jean-Romain n’est pas un singe; c’est d’ailleurs dommage. Il est juste stupide et un peu étriqué. Le seul mérite de son billet est la réponse d’Alcazard. Votre prose me fait toujours bien rire, cher gros et bon garçon.