Que philosopher c’est apprendre à mourir
mardi 14 avril 2009
Rembarre-à-tribord, qui jouit d’un sursaut de célébrité, quo usque tandem, nous informe sur son blog de la prochaine sauterie organisée par le Mouvement Chrétien Conservateur Valaisan (pourquoi mouvement?), le 24 avril prochain à l’Hôtel des Vignes d’Uvrier. On pourra manger et boire des choses, mais surtout entendre, à défaut d’écouter, le « délicieux » Marc Bonnant, dont la causerie portera sur le thème : « la langue française, une espèce en voie de disparition? »
Doit-on laisser débattre de cet épineux problème un homme qui, de son propre aveu, évolue en plein XVIIe siècle? Qui n’a pas d’email pour ne pas pactiser avec le Siècle, mais qui alimente un blog, cependant. Qui a un léger problème d’Oedipe avec sa maman, et dont toute l’enfance n’a été qu’un long et laborieux exercice de style, pour ne pas fâcher Maman, justement.
Encore un fâcheux qui parle de disparition où il faut lire évolution. Qu’il utilise son français d’opérette au prétoire, soit. Mais qu’il nous saoule sur la disparition d’une langue qui n’a jamais existé que dans les constructions alambiquées de son cerveau, non, dis-je. Sus aux dinosaures! Sus à ceusses qui veulent nous faire croire que l’on parlait comme lui au XVIIe siècle, quelle horreur! N’ont-ils jamais lu Corneille et Racine, ces emplâtrés de l’hémisphère droit, pour décerner médaille sur diplôme à un homme qui barjaque un baragouin d’antichambre chlorotique de ministère de la IIIe république? Et Bossuet? Ah non, hein. Je sens que je m’énerve.
En voilà du français du XVIIe, non, de la fin du XVIe encore :
Quand je viens de la ville, et que seul je me voy
Dans la veufve maizon, qui me pleure et lamente,
Nous pleurons à l’envi: puis au lieu de l’absente,
Nous plaignons nostre mal les murailles et moy.
Dézolé jusqu’au bout et rongé d’un esmoy,
A mes yeux esplorez tout ce qui se presente
Pour mon cueur martyré, c’est une Hydre nuizante,
Dont les chefs renaissans me consomment d’effroy.
Mais quand je viens pensif, pour entrer en ma chambre,
C’est lors que je n’ay nerf, veine, muscle, ni membre,
Qui ne craque du mal qu’on ne peult secourir.
Aussi dy-je, exalant d’une chaude fournaize
Les flammes de mon dueil, O Seigneur qu’il vous plaize
Ou m’oster la memoire, ou me faire mourir!
(Christofle du Pré, Les larmes funebres (1577), édition critique par Pierre Martin, Droz 2004)
ça me vous t’a une autre gueule que la prose du Maître, non?
Alors qu’il parle au moins comme du Pré, notre bon Bonnant, puisqu’il ne veut pas admettre que le français est en perpétuelle évolution. Et alors là, d’accord, respect, comme y disent les d’jeunes.
Orgel