La supériorité occidentale enfin démontrée.

Qu’est-ce qui a bien pu nourrir l’enfance de François-Xavier Putallaz, si tant est qu’il en ait eu une. À n’en pas douter, son enfance, le petit F.-X. en culottes courtes l’a passée son nez boutonneux plongé dans les comics. Ces BDs américaines d’après-guerre ont forgé chez lui, en son for intérieure, une vision du monde un rien manichéenne.  Ainsi nous livre-t-il en ce jour une vision en noir et blanc, dessinée au trait, de la guerre et de ses héros.

Parce que, Monsieur, la guerre, cette boucherie ignoble, nourrie de haine, de préjugés et de conneries, forge et révèle des héros. Ils ont le regard fier, posé sur l’horizon, le menton bien rasé et dressé vers la gloire de combats à venir et sont blancs, de préférence. En tout cas chrétiens. Et surtout, surtout, ils font la guerre proprement, ne sont pas assoiffés de sang, ne donnent jamais d’ordres iniques, savent protéger la veuve et l’orphelin et réconforter le troufion moyen en lui tirant doucement l’oreille tout en lui susurrant un affectueux «Je suis fier de vous, soldat». C’est eux qui font de nos conflits occidentaux un exemple de savoir-mourir que la planète entière nous envie.

À l’opposé, nous avons, bien entendu, l’ennemi, le fourbe aux doigts crochus, à la couleur mal définie, aux émanations corporelles louches, prêt à tout pour salir le glorieux étendard de la liberté. Ses méthodes sont odieuses et ses jambes torves. Il n’a aucune pitié et se gausse ouvertement de la douleur de ses ennemis soit par des ricanements sournois, soit par de grands éclats de rires sardoniques, les deux poings sur les hanches. Ah, qu’il est laid ! Il n’a de plus aucun respect pour ses propres troupes et les envoie, avec un contentement certain, à une mort inéluctable.

Et qu’est-ce qui fait, toujours selon F.-X., que la guerre chez nous est si propre, si belle qu’on en regrette presque qu’il n’y en ait pas plus ? Qu’est-ce qui rend le trépas si agréable quand on est du côté des bons et des gentils pour Monsieur Putallaz ? Ce sont les Lumières et les Droits de l’Homme, qui éclairent de leurs sagesses les réflexions avisées de nos brillants généraux chamarrés d’ors et de gloire. C’est la philosophie occidentale (mais y en a-t-il une autre ?) qui interdit à nos stratèges l’utilisation massive de kamikazes pour faire triompher leur camp. Jamais, au grand jamais, nous nous permettrions d’expédier nos troupes au casse-pipe sans le moindre espoir de retour (sauf peut-être au Chemin-des-Dames mais passons). Même la gueule cassée, même les membres écrasés, même les nerfs bousillés par les gaz, même amoindri, cassé, handicapé à vie le soldat du glorieux Occident peut espérer, grâce à la pensée claire et humaniste de ses maréchaux, rentrer un jour auprès de sa femme nourrir et élever les nombreux enfants (qu’elle aura eu en son absence avec quelque beatnik de passage) avec sa pension d’invalide. C’est cet espoir de retour qui le rend si beau et si courageux, qui fait de lui, au fond d’une tranchée couvert de boue, atteint du typhus au milieu de la jungle  ou perdu au milieu des dunes, le porte-drapeau de nos glorieuses nations civilisées face à la menace de la vermine impie.
Et ça, si ce n’est pas une preuve qu’on fait irrémédiablement partie des forces du Bien et que les autres c’est rien que des méchants, je ne sais pas ce qu’il vous faut ! Encore merci François-Xavier de redorer ainsi, inlassablement, avec grâce et finesse, la gloire ô combien ternie de la pensée occidentale, libre, chrétienne et blanche.
Hissez bien haut les couleurs, sortez de ma chambre en rang par deux et allez mourir.

Alcazard, antimilitariste sans Nylon

7 commentaires pour “La supériorité occidentale enfin démontrée.”

  1. AlcazardNo Gravatar dit :

    J’ai corrigé le lien….

  2. alambicNo Gravatar dit :

    Eh oui, mieux vaut être mutilé et illuminé que de survivre dans l’obscurantisme… le Progrès a un prix, Monsieur, et ceux qui ne sont pas prêts à le payer et qui préfèrent jouir des plaisirs de la vie dans tel lieu de débauche du Grand-Pont dont je tairai le nom ne sont que des suppos d’Al Qaida!

    Ceci dit, où est-ce qu’on peut lire l’article de FXP qui a inspiré ce beau billet ?

  3. FernandNo Gravatar dit :

    Juste un type qui a un peu trop lu « Orage d’acier » et autres Ernst Jünger…

  4. alambicNo Gravatar dit :

    … et qui a été un peu trop exposé à la lumière. Ca brûle les yeux.

  5. FernandNo Gravatar dit :

    Le mythe de la caverne de la Platon… et nous pauvres imbéciles qui regardons encore les ombres créées par le feu sur les murs de la grotte…. tssssss..

  6. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Ce serait pas juste la transposition moderne des martyrs dont le christianisme, auquel s’adonne Putax (gaz de combat), est si friand?

  7. Sortez de ma chambre » Archive du blog » De l’histoire considérée comme une carapace de tortue dit :

    […] C’est à mon sens la seule raison à donner à l’étrange papier de FX Putallaz (voir l’article d’Alcazard à ce sujet) dans lequel la glorification du héros occidental et du guerrier intègre vous a des relents médiévaux. Le passé est à ce point enfoui dans la mémoire du professeur qu’il a de la peine à ressurgir, étouffé sous le poids confortable d’un présent de paix et de démocratie. Les historiens, pourtant, existent qui sont des taupes; ils retournent inlassablement à la terre et en ressortent des souvenirs, par petits paquets. Mais FX fout des grands coups de pieds dedans, déverse de la limaille dans les galeries et replante du gazon. Il ne veut pas de ces cochonneries. […]