Archive pour avril 2012

La danse de Saint-Georges, encore

mercredi 25 avril 2012

« Nous touchons au but. Les listes sont terminées ainsi que les trois quarts des fiches »,  nous apprend aujourd’hui dans le journal Bernard Attinger, en charge de l’inventaire communal. Nous en sommes très contents. Rappelons que cet inventaire est exigé par l’article 96 du règlement des constructions de 1988, il y a de cela 24 ans. Comme cet inventaire n’est pas dynamique, et que tout le monde attend qu’il soit fini pour commencer à bosser, eh ben entre-temps on casse tout. C’est simple.

« De manière plus globale, il faut savoir être raisonnable. Tout ne peut pas être conservé« , nous rassure enfin l’homme de l’art, qui est à sa profession ce que l’archéologue cantonal est à la sienne: un fossoyeur. Car enfin, n’est-on pas en mesure d’attendre de l’architecte en charge de l’inventaire communal un peu plus de combativité? Il faut savoir être raisonnable, dit-il. Renvoyons le compliment aux promoteurs, qui depuis 60 ans se fourrent dans les poches les centaines de millions du bétonnage aveugle.

L’architecte Perraudin, qui est sans doute un brave homme, va gagner plusieurs billets dans l’opération du Clos Saint-Georges, devisée à plus de 20 millions. 10%? 15%? Voilà qui fait beaucoup d’argent pour un seul homme! Surtout que c’est une tradition familiale : c’est papa Perraudin qui, en 1952,  a foutu par terre le Grand-Hôtel de Sion, construit en 1896 par le bureau de Kalbermatten pour l’hôtelier Jean Anzévui :

 

« Vaste bâtiment à trois corps, […] idéalement placé au milieu d’un grand jardin, proche à la fois de la gare et de la vieille ville, l’hôtel répond aux attentes d’une clientèle aisée par sa situation et son confort. 80 lits en 1913 » peut-on lire dans l’INSA vol. 9 (Inventaire suisse d’architecture, 1850-1920 : villes. La notice sur Sion, dont sont extraites la plupart des illustrations de cet article, a été rédigée par Catherine Raemy-Berthod).

Si le but est de densifier la ville, peut-on m’expliquer pourquoi on a laissé démolir un bâtiment historique pour en construire un autre d’une volumétrie semblable? Le siège de la Banque cantonale dans un ancien hôtel de la fin du XIXe, ça a de la gueule, aussi. Oui mais voilà : ça rapporte un peu moins d’argent.

Si le but est de densifier, peut-on m’expliquer pourquoi on n’a rien construit à la place des anciennes caves Bonvin place de la Gare? On a densifié les places de parc? ah d’accord.

Si le but est de densifier, pourquoi remplacer un temple néo-gothique par un temple en béton? C’est nettement moins pittoresque mais ça donne du boulot aux copains.

(on entraperçoit le Clos St-Georges, à l’arrière)

Nous avons vu l’intérêt historique du Clos Saint-Georges, bâti vers la fin du XVIIe ou au tout début du XVIIIe siècle et propriété de Joseph-Barthélémy de Kalbermatten, ancien gouverneur de Saint-Maurice. Apparemment, cela ne suffit pas. Peut-être faut-il montrer des images :

 

Je suis d’accord avec vous, on ne voit pas directement le Clos Saint-Georges, mais ce dessin daté vers 1800 permet de le resituer dans son contexte : on aperçoit à droite la petite chapelle Saint-Georges, coincée aujourd’hui dans un amas anarchique de béton, et au loin la porte de Loèche, démolie en 1830. Le Clos Saint-Georges, à l’époque de ce dessin, existe déjà depuis un siècle.

Maintenant, si vous voulez le voir sur d’autres photos que les miennes, je vous le montre volontiers :

Sur cette photo de 1899, prise lors du cortège historique organisé à Sion pour les 600 ans de la Confédération, on reconnaît bien l’alignement encore préservé aujourd’hui (quo usque tandem?) de la rue de Loèche et, en haut à droite, la petite gloriette et la silhouette caractéristique du Clos Saint-Georges.

Et je ne parle pas ici de l’aberration paysagère que représentera un front d’immeuble dans cette perspective. Je ne parle pas non plus du coût social engendré par ces démolitions, qui chassent du centre ville des familles à loyers modérés; où iront-elles se reloger? Achèteront-elles un bel attique à 1’200’000 ? Chacun de ces points pourrait, à lui seul, justifier un débat.

Il est temps désormais de savoir ce que l’on veut : laisser les coudées franches aux démolisseurs ou freiner un peu leurs appétits grossiers. Il ne s’agit plus de penser l’urbanisation de la ville, c’est trop tard : il s’agit de sauver, dans un but de conservatoire, quelques éléments emblématiques de notre passé qui est un passé glorieux – n’en déplaise à certains grincheux qui jouent la corde de la misère alpine.

 

Ah ça, Madame, c’est notre plus bel appartement : vous avez la vue sur la maison construite pour Nicolas Delez en 1904 au numéro 34 du Chemin des Collines. Appréciez cet avant-corps central et ce bow-window au toit terrasse sur la façade sud! Et ces chaînes en harpe marquant les angles et ces larges avant-toits!

Non, je plaisantais, Madame, rassurez-vous! On va bientôt foutre toutes ces vieilleries par terre!

Orgel

Clos Saint-Georges, suite

samedi 21 avril 2012

Le permis de démolir le Clos Saint-Georges a été délivré par le conseil communal, qui a balayé d’un revers de main des oppositions pourtant argumentées.

Bien.

Personne, pourtant, parmi les conseillers communaux qui d’un trait de plume, entre deux rires et deux verres de blanc, ont signé l’arrêt de mort de cette bâtisse tricentenaire,  n’a jugé opportun d’aller voir sur place de quoi il s’agissait vraiment.

J’y suis allé, moi. Quand on m’annonce des frais de rénovation à hauteur de 700’000.- francs pour remplacer une toiture pourrie, je constate des pièces de charpente de chêne en parfait état de conservation.

Quand on me dit que cette maison n’a aucune valeur patrimoniale, je trouve dans le vestibule cette plaque de tuf :

« Ce mur, détruit par les inondations de la Sionne le 20 décembre 1740, a été réparé en 1741 par les soins de J[oseph]-B[arthélémy] de Kalbermatten, à cette époque grenatarius (j’hésite encore sur la traduction), jadis gouverneur de Saint-Maurice. »

A côté, une autre mention de restauration, en 1951 :

C’est rigolo, la devise de la famille Brunner, cette famille même qui va livrer sa propre maison aux démolisseurs :

Sustinebo !

« Je maintiendrai… »

Orgel

Tu me passes le basilique? S’il te plaît?

jeudi 19 avril 2012

Entre le rocher de Valère et l'immeuble, la basilique du IVe siècle. Le plan est complet.

À Marseille, à Luxeuil, à Genève, à Lyon, les autorités créent des parcs archéologiques autour des vestiges de leurs basiliques paléochrétiennes.

À Sion, en Valais, on en fait des pissotières à chats. Le plan est complet, pourtant; une conservation aussi exceptionnelle est un cas unique dans l’occident chrétien.

Implantée sur un lieu chargé de symboles (entre la pierre de Valère et l’eau de la Sionne), occupé avant elle par des sépultures de l’âge du Fer, cette basilique a été miraculeusement préservée des oblitérations urbaines.

Pour en faire quoi ? La masquer derrière un immeuble immonde, massacrant d’un même coup et le site naturel et le site archéologique.

Pourtant, Jacques Melly fanfaronne sur le site archéologique majeur de la rue de Loèche, faisant croire à la population que le canton gère son patrimoine. Les archéologues n’ont ni le temps ni l’argent pour mener à bien des fouilles scientifiques sur un site d’importance majeure.

Le Valais avait en mains tous les atouts pour créer un tourisme culturel  parfaitement rentable. Il a tout massacré depuis cinquante ans.

Du haut de cet immeuble, 40 cm nous séparent.

Orgel

40e rugissants

mardi 17 avril 2012

40 ans, c’est pas vieux. C’est l’âge de la Fiat 127.

Becs

Télé-crochet

lundi 16 avril 2012

De vilains esprits pisse-froid, garants d’un stalinisme attardé, murmuraient au sein de l’alliance de gauche sédunoise contre le prétendu manque de valeurs de gauche chez leurs alliés et amis Verts. Force est de constater que ce ne sont là que persiflages et menteries rapportés à l’envie par quelques rédacteurs en chef  adjoints en mal de médisance.

Pour preuve cette image qui montre à qui en douterait encore, la profonde affection qu’éprouvent nos frères et camarades Nord-Coréens pour le leader charismatique des Verts valaisans. La télévision d’État du grand Kim Jong Un a en effet programmé sur ses ondes, prouvant ainsi sa parfaite modernité, une émission de téléréalité qui fait un énorme carton là-bas. Enfin, chez ceux qui ont à la fois la télévision et l’électricité.

L’émission s’appelle « Qui sera la prochaine Marylène Volpi? ». Moi, j’ai tout misé sur la deuxième en bleu.

Alcazard, méchant

Incompétence cantonale

lundi 9 avril 2012

Ci-dessus un extrait de l’inventaire cantonal des monuments historiques. Le document date du 4 novembre 2008. Vous allez rire : il n’est pas à jour! Ah, mais c’est pas grave! Rien n’a été classé depuis plus de trois ans!

La loi sur la protection de la nature, du paysage et des sites date pourtant du 13 novembre 1998. Depuis cette date, à Sion, on ne trouve que le classement de la villa Veuillet en 2008. Sinon, rien depuis 1990.

Alors moi je dis :

Pour quel travail sont-ils payés, les responsables cantonaux de la protection des sites et de l’inventaire des monuments?

Hein?

Vu à la TV

dimanche 8 avril 2012

Vu à la TV

J’aime beaucoup le : « À la place d’une petite maison individuelle, il y aura un petit immeuble »

Youpi! En fait l’urbanisation c’est facile!

 

Sion, capitale de l’ignorance

mardi 3 avril 2012

Après avoir mis en exergue le mensonge de Marcel Maurer au sujet de la réhabilitation de l’Ancien Hôpital, la rédaction de Sortez de ma chambre ne résiste pas au plaisir de vous faire part d’un autre paragraphe, issu du même texte (pour mémoire, il s’agit de la présentation de la ville de Sion pour la brochure du 37. Concours Suisse de Musique pour la Jeunesse).

Achtung, je cite :

Vue en couleur, Sion est une ville du sud, chaude, sympathique, cordiale et conviviale. Elle vous embrasse et vous délasse. Parce que son charme est à la fois public et intime, son ambiance chaleureuse, colorée, musicale… Cette Sion-là est plutôt celle qui palpite, celle qui invite et qui retient. Elle est au goût du jour, moderne, elle qui tente le mariage respectueux et harmonieux de la tradition et de la vie présente, et qui regarde sans cesse plus loin. Les places nouvellement aménagées, les rues élargies aux pavés roses, les façades aux riantes couleurs, le marché bigarré, les animations de rue, les festivals de musique créent cette subtile symbiose de la pierre et de la vie. L’environnement urbain et l’homme qui l’habite dialoguent pour la mise en valeur de l’un et le bien-être de l’autre.

Pour Marcel, la Ville se résume à la vieille ville, donc. Parce qu’en dehors, ça déménage. La preuve par l’image :

 

Sion, rue du Vieux-Moulin 37 - 28 mars 2012

 

Sion, Vieux-Moulin 37 - 3 avril 2012

Je ne voulais pas y aller voir, moi. C’est un gentil lecteur qui m’a envoyé cette belle photo. Citons encore une fois Marcel Maurer, dans un autre paragraphe (que j’ai la flemme de retranscrire dans sa totalité tellement c’est mauvais) :

[La ville] a traversé les âges sans broncher, véhiculant avec elle ce qu’elle fut et ce qu’elle a vécu.

On notera, sur les deux photos ci-dessus, la différence d’appareil et d’entretien des deux murs de soutènement : en bas à gauche, la pierre sèche et le lierre (sud, chaud, sympathique, cordial, convivial, tout ce que tu veux Monsieur Maurer); en haut à droite les moellons calibrés, jointoyés au ciment et rundopés. La mémoire des hommes se loge aussi dans ces détails. Je vous épargnerai la photo du bouquet de fleurs violettes (je suis une nouille en botanique) qui poussaient entre les pierres du mur (devinez lequel) quand j’ai pris la photo du 28 mars.

Je vous propose maintenant une petite visite de cette belle ville du sud, qui a toujours su gérer son développement dans le respect de son histoire. Ne cherchez pas ces maisons, elles ont toutes été démolies durant ces quarante dernières années :

 

Maintenant, hein, après tout, tout ça, c’est du passé. Oui. Regardons le présent :

Cette maison, le « Clos St-Georges » ou Maison Brunner, fait l’objet d’une spéculation immobilière initiée par la propriétaire, qui a mandaté le bureau d’architecture Perraudin. Le projet comprend la démolition du bâtiment et la construction d’un immeuble de 25 logements avec parking souterrain.

Avec la maison du n° 37 (que les dieux lares aient son âme) démolie aujourd’hui, les chalets urbains démolis l’année dernière et le Clos St Georges qui doit subir le même sort au printemps prochain, c’est toute la rue du Vieux-Moulin qui part en sucette. Zone Centre III, densification du centre-ville. Hop.

Pourtant, l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse,  l’ISOS,  mentionne le Clos St-Georges comme objet digne de protection, de même que tout le secteur du Vieux-Moulin. La sous-commission cantonale des sites émet un préavis négatif et attribue au bâtiment une importance supracommunale.

Alors? Alors tout le monde s’en fout, la commune est souveraine. Dans le règlement communal de constructions homologué en 1988, l’article 96 demande l’établissement par la municipalité d’un inventaire complet non seulement de la zone de la vieille ville mais aussi et surtout des bâtiments isolés sis en dehors du périmètre de la vieille ville mais offrant des particularités d’ordre historique, architectural ou artistique. 

Or, cet inventaire n’existe pas. Voici la réponse de l’architecte Perraudin aux oppositions fort bien argumentées de Patrimoine suisse et de Sedunum Nostrum :

– le bâtiment qu’il est prévu de démolir n’est ni classé ni même répertorié comme bâtiment digne d’intérêt dans l’inventaire de la commune de Sion. Comment pourrait-il être classé dans un inventaire qui n’existe pas? Relevons aussi dans les arguments de l’architecte cette précision ubuesque :

le bâtiment est implanté en limite du domaine public, directement en bordure de la chaussée, en débordement de l’alignement de construction. (Ce qui est dangereux pour les enfants, précise-t-il). Ce bâtiment déborde un alignement de constructions et une chaussée qui lui sont postérieures. C’est fort, comme raisonnement.

On ne connaît même pas l’importance de ce bâtiment, faute d’études appropriées. Date-t-il du début du XVIIIe siècle? De la fin du XVIIe ? Toujours est-il qu’il a été rénové en 1741 après une crue de la Sionne (que l’architecte Perraudin parviendra très certainement à dompter efficacement), comme le précise une plaque apposée dans le vestibule du premier étage au numéro 11.

La sous-commission cantonale des sites propose de surseoir aux constructions tant que l’inventaire des zones définies par l’ISOS n’a pas été effectué. C’est le bon sens.

Mais non. Quinze conseillers municipaux dansent la valse du pognon au bras de promoteurs sans scrupules, dans le déni le plus grossier du patrimoine de chacun.

C’est une honte.

Orgel