La France vue du Vieux Pays

Ma toute petite maman chérie,

Depuis ce lointain coin de pays où j’ai grandi, loin, bien loin de nos terres gasconnes où repose la longue lignée de nos glorieux ancêtres, je reçois en ce jour de bien belles nouvelles de notre mère patrie. Ainsi donc c’est avec joie et confiance que le peuple de France, notre peuple, petite maman, a accueilli la venue du changement en fêtant unanimement  la victoire à l’élection présidentielle d’un communiste trotskiste égorgeur d’enfants. Les choses vont enfin  radicalement changer en ce monde et je suis fier que ce grand mouvement d’humanité, de respect et de justice démarre en ce pays dont je suis issu mais où je n’ai jamais vécu.

Il te faut savoir, toute petite maman chérie, qu’en ces contrées oubliées de Dieu qui m’ont vu enfant, la vie d’un Français expatrié n’est pas des plus faciles. Et je ne parle même pas de celle de ces saloperies de Portos, d’Espingoins, de Ritals, de Youyous et tous ces mâchurés qu’on sait pas d’où ils viennent. Ici, je ne suis pas sûr que les gens aient vraiment digéré le fait que, sous le premier Empire, Napoléon ait fait tracer à travers les Alpes et en ce coin de pays de grands axes internationaux le reliant inévitablement au vaste monde. Qu’il les ait aussi doté de routes carrossables et pire: d’un code civil. Je ne suis pas sûr non plus qu’ils aient vraiment accepté avec abnégation de quitter leurs idiomes ruraux d’eux seuls compris pour adopter notre belle langue républicaine. Oui, ma toute petite maman, ces gens nous en veulent à jamais d’être de cette grande nation qui a porté Voltaire, Rousseau et Godard.

Ainsi, aux heures vespérales de l’apéro thérapeutique (je sais je l’ai déjà fait mais en ce moment, je lis Malet), il n’est pas rare d’entendre tonitruer en ces cafés pittoresques où le fendant coule à flot, d’improbables politologues avinés fiers d’étaler devant tous leur savoir sur la nation et le peuple français. Reprenant à plaisir les thèses de Laval et de Pétain expliquant ainsi la défaite de 40, ils se gargarisent alors à l’envi de lieux communs sur le plaisir que trouvent nos compatriotes au délassement, sur leur propension à dénoncer les injustices et sur leurs conceptions différentes des règlements de bureau. L’organisation du Pays et les préoccupations générales de nos concitoyens sont à eux complètement étrangères. Ils n’en parlent entre amis, en société que pour les railler, les conchier ou s’en différencier. Tout ce qui fait de nous des humains comme eux est implacablement contesté, nié, omis. Ici, nous ne sommes que l’exemple à ne pas suivre, la chose à éviter, le naufrage annoncé.  Il n’y a définitivement rien qui ne soit jamais en lien entre leur éminente culture et la nôtre.

Alors, oui, je sais, toute petite maman, nous l’avons vu si souvent, qu’il est du propre de l’homme de se grandir en rabaissant l’autre, de lui faire payer nos propres errances et nos propres faiblesses. Bah.. Dans le fond, c’est tellement humain. Et puis ces gens, revanchards et dédaigneux, ne sont pas payés pour étaler leurs commentaires. Ils ne sont pas non plus sensés faire référence, être des commentateurs éclairés de l’actualité. Ils expriment au mieux qu’ils peuvent leur peur d’être humain entre tous. Ce sont à tout jamais nos frères et il faut les aimer tous malgré tout.

Tous, sauf Julien Wicky, bien entendu. Julien Wicky, pauvre pigiste incongru chargé par le Nouvelliste du 8 mai 2012 d’analyser (sous prétexte qu’il se trouve être, sans doute, le seul binational de la rédaction) le résultats des élections présidentielles françaises dans notre canton et qui ne trouve rien d’autre à livrer à ses lecteurs que ce commentaire: « les Français, ils sont trop nuls, au deuxième tour, les bulletins blancs ils comptent même pas ». Je te jure que je ne mens pas, ma chère petite maman, c’est là vraiment le « Commentaire » de Julien Wicky.

Je sais, c’est terriblement triste et ça fait définitivement douter du génie humain, mais je t’en supplie, ne pleure pas. Son patron, Jean-François Fournier (qui au vu des résultats de ce weekend, sent se rapprocher à grand pas l’heure libératrice où nous lui raserons la tête sous les rires et les quolibets) ne saurait supporter au sein de sa rédaction plus longtemps une telle médiocrité de pensée, une telle faiblesse d’analyse et un tel manque d’à-propos. Il saura dès demain, sois en sûre, expliquer à Julien Wicky qu’en Suisse également, au second tour des élections au scrutin majoritaire, les bulletins blancs ne comptent pas non plus.

Après il le pendra certainement en pleurant un peu mais ce sera mieux.

Sur ce, ma chère petite maman, je t’embrasse. Dis à papa que j’ai mangé de la saucisse aux choux à midi et qu’il ne se fasse pas de soucis et qu’il n’oublie pas de m’envoyer du confit.

Alcazard, a voté!

 

 

2 commentaires pour “La France vue du Vieux Pays”

  1. raphNo Gravatar dit :

    Oui alors des grands axes internationaux, y en avait un peu avant Napoléon, quand même, lui, il a surtout apporté un système politique absolument pas adapté et quelques guerres

  2. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Des axes internationaux où on pataugeait dans la boue avec des fossés pas curés qui débordaient sur la « chaussée » et des torrents qui sortaient régulièrement de leur lit. C’était ça, les axes internationaux en Valais avant Napoléon; sans compter les sentiers vertigineux où même les mulets refusaient parfois d’avancer. Mais c’est vrai que pour transporter du fromage on avait pas besoin de mieux…
    Bien sûr, il y avait aussi le Grand-Saint-Bernard, que déjà les Romains ils l’avaient repérés et que Napoléon il y est pour rien – même le tunnel.
    C’est pas pour ça que je l’aime plus que vous, hein, Napoléon. Mais quand même.