De la difficulté de l’art équestre en politique

Les rares matins où les deux litres de johannis bus la veille m’ont un peu trop assommé, que la vieille chatte neurasthénique dont j’occupe la chambre n’arrive pas à me tirer de mon sommeil malgré ses longs miaulements pathétiques et ses jets de pisse sur le lit et qu’exceptionnellement quelque activité quelconque m’oblige à me lever avant les cinq heures du soir, il m’arrive (contre l’avis de mon médecin et les recommandations pleines de bon sens de mon noble ami Orgel) d’avoir recours, pour m’extirper de mes plumes, à mon archaïque radio-réveil inexplicablement branché sur la Première.

Las, le lever glorieux, prompt et dynamique est rarement au rendez-vous de ces aubes tristes et gueule-de-boisées. Entre le moment où rugit soudain à mon oreille les insipides propos des ces soi-disant journalistes comateux qui peuplent les ondes matinales et le moment salvateur et thérapeutique où la douche glacée nettoie mon pauvre corps flasque du sang et des vomissures de la veille (et mon âme des brûlantes brumes alcooliques), il se passe souvent un bon quart d’heure. Pendant cette abstraction temporelle où je navigue, à demi-éveillé, en des rêves érotiques, onanistes et priapiques, c’est à loisir et sans retenue que se déversent en mes trompes d’eustache endolories les bavardages présomptueux  des spécialistes d’extrême-droite que ces décérébrés d’animateurs ne cessent d’inviter à venir pourrir avec autant de ferveur les ondes courtes et mes éveils déjà suffisamment pénibles sans cela.

Ainsi donc en ce triste matin du jeudi 3 mai 2012 c’est avec « En ligne directe » que j’hésite sur mon état, entre un bon reste de cuite ou un énorme début de tête dans le cul. Pour ceux qui ont la grande chance de ne rien savoir du concept novateur de ladite émission il vous faut savoir que celle-ci pousse loin l’exigence professionnelle journalistique puisqu’elle propose de relayer tous les matins les sous-expertises de coin de zinc que des spécialistes en tout postent à tout va sur ces réseaux que l’on dit sociaux. Et pour souligner l’immense vacuité patente qu’un tel concept ne peut qu’engendrer, les responsables de ce désert intellectuel ont eu la brillante idée, ce matin-là, d’inviter Me Marc Bonnant à venir vomir sa haine avec l’emphase dont on le sait capable. Maniant le subjonctif comme personne il a donc, comme à son habitude, ajouté aux lieux communs les plus éculés sur les élus fédéraux, des idées reçues sur le manque de charisme des ternes politiciens de la cinquième république et des propos convenus concernant le peu de dissemblances entre les dirigeants politiques de tous bords, le sujet du jour étant, bien entendu, l’analyse du débat Hollande-Sarkozy (mais cela n’a pas vraiment d’importance tant la prose de Maître Bonnant, dépourvue d’originalité de fond, peut s’appliquer à n’importe qui et à n’importe quoi).

« Au delà donc de ses préférences politiques », comme nous l’a signalé fort justement la potiche animant le débat, Maître Bonnant nous a expliqué que François Hollande « mériterait d’être un politicien suisse fédéral », il a un style « de fonctionnaire, c’est un énarque » tandis que Monsieur Sarkozy est « manifestement un avocat, en tout cas il en a encore de belles traces… » (pour ma part, je ne veux pas savoir où).

Et de terminer sa brillante tirade par une pique des plus cinglantes: « …et entre un fonctionnaire et un avocat il y a à peu près la différence qu’il y a entre un étalon et un hongre. » « Et bien voici qui est suffisamment parlant et  imagé…. » conclut avidement l’autre.

Oui, si on veut. Parce que pour ma part, moi qui ne croise un cheval que lors des promotions du rayon boucherie de la Migros, moi qui ne suis expert ni en psychologie animale ni en équitation de fonctionnaire encore moins qu’en saillie d’avocat, il me semblerait plutôt, au vu du discours plein de finesses que nous propose l’avocat genevois, que c’est l’inverse qu’il eût fallu dire.

Pourquoi Marc Bonnant n’écrit-il toujours pas pour lesobservateurs.ch? Il semblerait qu’il commence à atteindre le niveau.

Alcazard, qui descend de la montagne sur son cheval de bois

 

 

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