Nidegger, l’Aragon de droite

Il y a exactement 30 ans, Margareth Thatcher prenait le pouvoir en Grande Bretagne en amenant dans ses bagages des penseurs économiques tels que Von Hayek, Friedman, Stigler. Tous eurent par ailleurs l’honneur de devenir Prix Nobel d’économie dans les années 1975 à 1995. La théorie économique du « laissez faire » allait être imposée à l’Angleterre et au monde. Dérèglementation, libéralisation, privatisation à tout va, domination des multinationales et de la « grande » finance en furent les conséquences. Le FMI et la Banque mondiale se chargèrent d’exporter le nouveau catéchisme à travers le monde. Au Chili, le dictateur Augusto Pinochet fit appel aux Chicago Boys pour instaurer ce qu’ils appelèrent le « miracle chilien ». Le système des retraites par répartition  fut remplacé par un modèle par capitalisation, c’est à dire calqué sur les performances de la bourse.

En 2009, les cotisants chiliens au système de pension sont ruinés. A cause du système, la majorité des chiliens n’avaient déjà pas la possibilité de cotiser pour leur retraite, mais ceux qui y sont arrivés ont vu leur bas de laine fondre avec la crise financière. En Suisse, depuis les années 90, un parti se faisait le chantre de ces politiques agressives, l’UDC de Christoph Blocher, qui il n’y a pas si longtemps « copinait » et « adressait des louanges » aux Marcel Ospel, Martin Ebener et autres financiers flamboyants. Puis il y eut la crise….

Et revoilà  donc Yves Nidegger qui pointe son nez dans le NF du jour pour nous expliquer la crise financière. Selon lui, la crise aurait une cause : le financement des politiques sociales et nottament le financement de l’immobilier américain à destination des plus pauvres. Il a partiellement raison, le Department of Housing and Urban Development (HUD) a imposé des cibles aux institutions financières de façon à ce que la clientèle moins fortunée et insolvable ait accès au crédit hypothécaire (en autres via le Communit Reinvestement Act). Mais expliquer la crise économique et financière par ce seul fait est réducteur. La majorité des économistes le reconnaissent : la crise est au contraire due à l’absence de régulation de marchés , tels ceux de l’origination de prêts immobiliers aux États-Unis ou ceux des collateralised debt obligation (des structure de titres).   Ajoutez à cela des innovations financières ultra risquées mise en place par les thatchériens et les reaganiens. La créativité et la complexité croissante de certaines activités financières, poussées notamment par l’explosion des rémunérations au bonus qui poussait à prendre toujours plus de risques. Rajoutez-y une pincée de spéculation (Hedge Funds et autres) et de pratiques qui n’ont rien à voir avec l’économie réelle et vous obtiendrez les causes de la crise.

Et pendant ce temps ce brave Yves Nidegger ose titrer son article : «Du socialisme financier au capitalisme d’Etat» ! Comme si les 30 dernières années avaient été marquées par le «socialisme financier». On imagine la scène : dans la corbeille de leur bourse, des traders, le Livre rouge  de Mao à la main, oeuvrant pour une société socialiste ! La main invisible du marché d’Adam Smith mise à mal par les élites socialisante de la finance et de la politique. Certains, comme l’économiste Nicolas Baverez semblent y croire vraiment..

On affirme (faussement) que Lénine avait traité les intellectuels gauchistes occidentaux qui suivaient aveuglément la doxa et la politique soviétique «d’ idiots utiles» ; on ne peut plus en douter désormais, l’ultra-libéralisme a aussi les siens…

Fernand, économiste pas en chef

Ps. Quelques sites utiles pour une meilleure compréhension des phénomènes économiques actuels :

http://www.gestionsuisse.com/

http://contreinfo.info/lstart.php3?id_rubrique=3

3 commentaires pour “Nidegger, l’Aragon de droite”

  1. j.nizardNo Gravatar dit :

    Je crois que vous êtes du même avis que Nidegger. Le marché américain des crédits hypothécaires aux insolvables était hyperrégulé, par des règles fixant aux banques des quotas à atteindre dans ce type de crédit.

    La crise financière provient donc d’une hyperrégulation du marché, et non de son manque de régulation.

  2. FernandNo Gravatar dit :

    Je ne suis pas d’accord avec vous, j’ai du mal m’exprimer. Concernant, les crédits hypothécaires, le problème vient plus des agissements de la FED et de la hausse des taux directeurs de 2006 (qui a provoqué l’éclatement de la bulle immobilière.) que des lois votées sous Clinton. D’ailleurs des pays ou le marché était moins règlementé (UK- Espagne- pays de l’est) ont également subi l’éclatement de cette bulle immobilière

    De plus il me semble que dans l’affaire de la purge de la bulle internet de 2000-2001 ne peut pas être imputée à l’intervention étatique.

    Mais il me semble que la jungle des cdo, des stock options, des crédits à risque depuis la fin des année 70 est plus responsable de la débâcle que nous vivons. La prise de risques inconsidérée et non règlementée afin de satisfaire des intérêts d’ordres privés me semblent plus à prendre en compte. Et selon moi c’est ce qui a permis à certains de s’enrichir par des pratiques que d’aucuns nomment de mafieuses, sans éthique de responsabilité ( lire les « confessions d’un banquier pourri »). Dans ce sens là, il y a eu un manque de régulation et de contrôle. C’est une crise de l’opacité du système, car sans contrôle. Il n’y a plus de contrôle des banques privées….

    Je mets quelques articles qui ont inspiré ce billet :

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2683&var_recherche=d%E9r%E9gulation

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2700

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2604

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2530

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1304&var_recherche=d%E9r%E9gulation

    http://www.dailymotion.com/video/x46yxx_crise-financiere-entretient-avec-be_politics

  3. CroquignolNo Gravatar dit :

    Tu expliques la crise actuelle par la dérégulation des marchés financiers entamée sous Thatcher et Reagan.
    Je ne crois pas que ce soit l’élément principal qui explique cette crise. Pour moi, elle est due à la tendance à la baisse des taux de croissance (les taux de profit en marxien) qui débute dans les années 70 et caractérise la fin des Trentes Glorieuses. Cela est dû à une crise de surproduction (il y a trop de marchandises produites, elles ne se vendent pas car elles ne répondent plus à un besoin social, ou à une demande solvable). Dès lors, les capitaux privés ne savent plus dans quelles sphères productives s’investir pour obtenir un profit.

    A l’époque, pour contrer cela, et après l’échec des méthodes keynésiennes de relance, Thatcher et Cie avaient appliqué la dérégulation du marché financier (pour donner aux capitaux des lieux où s’investir); celle du marché du travail (avec comme conséquence le gel ou la baisse des salaires, donc la hausse du profit); et intégré dans le marché des domaines qui n’y étaient plus ou pas (dans l’Etat social: retraite, santé, service publics,…). Cette politique néolibérale permit en partie la restauration du taux de croissance pour un temps. Mais en fait, elle ne faisait que repousser et aggraver la crise de surproduction.

    Dès 90, la croissance peine à nouveau, et l’on utilise les outils néolibéraux jusqu’à plus soif. Avec cette politique, comme tu l’expliques, la Finance prend de plus en plus de poids dans l’économie globale au détriment de l’économie réel; car la spéculation gonfle le prix des actifs (actions, obligations,…) qui n’ont plus de rapports avec la production; les bulles spéculatives éclatent et c’est la crise. Cependant, la source de cette dernière n’est pas la dérégulation, mais bien la baisse du taux de profit. C’est avant tout, une crise de la production avant d’être une crise financiaire, même si les effets se sont d’abord fait sentir dans le domaine de la finance (du coup, dire qu’elle se propage vers l’économie réelle est une erreur).

    Pour ceux qui ont eu de la peine avec le dernier chapitre: l’action est une part de propriété de l’entreprise qui donne droit à une partie de ces bénéfices (les dividendes). Spéculer c’est parier sur les profits (ou pertes) futurs d’une entreprise, donc sur la valeur de ces actions (du coup, on les achète ou on les vend selon la situation). Le problème, c’est que le spéculateur est un con. Souvent, il s’imagine qu’une action ou un marché spéculatif qui monte depuis un bon bout de temps va continuer à le faire perpétuellement, qu’ils prennent de la valeur indépendament des entreprises. Du coup, la valeur de l’action se détâche de la valeur réelle des profits de l’entreprise (d’autant plus lorsque de leurs côtés les profits baissent, comme on l’a vu) et mène aux bulles spéculatives. Pour les subprimes, le mécanisme est le même, il suffit de remplacer «profits» par «intérêt de la dette immobilière» et «entreprise» par «ménage».