Mourir à l’hôpital

Voilà trois ans que l’Ancien Hôpital de Sion est vide. Cela commençait à devenir vaguement inquiétant : tout le monde déménage et rien ne se passe? Quid? Heureusement, dans l’édition d’hier du Journal, un article est venu éclairer notre lanterne : L’avenir de l’Ancien Hôpital suscite bien des interrogations. Ah.

Il faut donc en conclure qu’on a vidé les lieux sans aucun projet. Avec un pistolet sur la tempe (je l’espère, tout du moins), on fait dire au directeur du Conservatoire que la Ville de Sion a fait un travail remarquable avec les installations provisoires. Nous en sommes très contents. Ben voyons. Tous les musiciens vous diront qu’ils ne connaissent pas plus grand plaisir que de jouer du biniou dans des conteneurs empilés les uns sur les autres, tapissés de lino rouge, à l’acoustique parfaite et aux vertus thermiques approuvées et reconnues par des générations d’ouvriers du bâtiment. L’avantage urbain de ces portakabin, en outre, c’est qu’ils ferment agréablement la perspective de la place du Scex, en offrant un retour gracieux aux blocs locatifs construits à fleur de rocher. C’est une réussite, vraiment.

Pas de projet à l’amont, donc. Dans mes rêves les plus fous, quand je me retournais suant dans des draps tirebouchonnés en mordant l’oreiller trempé de mes larmes, j’imaginais que la Ville (puisqu’il faut l’écrire avec un -v majuscule), j’imaginais que l’Urbs, donc, serait fière de réhabiliter intelligemment la vénérable construction. Ah, l’infortuné gâteux que j’étais!

Pas de projet. On prépare doucement la population (qui s’en fout, du reste, comme les royalistes se moquaient de l’hypothétique an 40 de la République françoise – merci Alcazard), on la prépare donc doucement, disais-je, à l’éventualité d’un abandon du bâtiment (chapeau de l’article dixit). Ensuite, on fait peur au bourgeois en parlant de gros sous : ça va coûter cher, très cher, entre 20 et 25 millions et il est hors de question de dépenser davantage pour rénover que pour faire du neuf (Maurer dixit). Il coûte aussi plus cher de soigner un cancéreux que de faire de nouveaux humains, si jamais je peux donner mon avis pour réduire les coûts de fonctionnement de l’Etat : d’un côté la chimio, les rayons, la chirurgie, la morphine, tout ça, de l’autre un bon coup de bite. Y a pas photo. Ce genre de raisonnement, dans la bouche d’un chef de l’exécutif, est inadmissible. Il ne s’agit pas ici, Marcel, de comparer les coûts entre la retape de la grange à Pitteloud et la construction d’une sovalconnerie à Bramois, il s’agit de sauvegarde du patrimoine. Mais la sauvegarde du patrimoine, en Valais, on s’en fout.

Que va-t-on faire de ce machin, alors? Ben justement, on sait pas. Y rassembler les services communaux, et sacrifier l’intérieur aux exigences braziliennes d’une administration moderne? (avec des guichets en verre, de la moquette et des marches d’escalier aux normes)? De toutes façons, si tout le monde est d’accord sur l’idée d’un regroupement des institutions du domaine musical sous un même toit, tout le monde l’est aussi pour que la réflexion se fasse de manière séparée du projet de l’Ancien Hôpital. Ben voyons, ça c’est dit : la musique ne réintégrera jamais le bâtiment.

Ce cas est symptomatique de la façon dont on gère par ici le passé; il y a matière à psychanalyse. L’ancien est une épine douloureuse dans la main calleuse de ces amputés du cerveau : pourquoi retaper quand ça coûte moins cher de construire? Et puis comment retaper? Ici on sait pas faire! Il faut impérativement mettre l’Ancien Hôpital aux normes sismiques, incendie, etc. (parce que toutes les horreurs construites depuis les années 60 le sont peut-être, aux normes?).

La réhabilitation douce est un concept inconnu; la restauration dans le respect absolu du bâti ancien implique une certaine admiration pour le travail accompli et, partant, de l’humilité. Ces vertus sont étrangères aux bétonneurs ahuris.

Orgel

 

9 commentaires pour “Mourir à l’hôpital”

  1. sardinaluileNo Gravatar dit :

    La méthode est plus que rodée: on fout dehors, on oublie quelques temps et oups! c’est délabré, dis donc! Retape inutile: on démolit pour raisons de sécurité.
    Il n’y a qu’à faire un tour à Sion pour se rendre compte de l’efficacité de la recette – pas très loin de la pouponnière, notamment.

  2. jffournierNo Gravatar dit :

    D’accord à 150% avec vous sur l’horreur des boîtes de la Place du Scex et leur inadéquation avec la musique… La place du Conservatoire est à l’ancien hôpital et nulle part ailleurs!

  3. FernandNo Gravatar dit :

    Il semblerait que ledit ancien hôpital comporte un minaret…

  4. jffournierNo Gravatar dit :

    Un clocher dardant ses rouges couleurs vers le ciel, cher Fernand! (mdr)

  5. La fille en roseNo Gravatar dit :

    Renseignements pris ce soir même, il semblerait que l’Ancien Hôpital soit classé « protégé » et que le premier projet de transformation proposé ait été refusé par le canton. Le deuxième est en cours.

  6. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Peut-être, n’empêche que ça n’avance pas très vite, leur truc. Et depuis quand observe-t-on les prescriptions des monuments historiques, dans ce canton? Le fameux chalet urbain au nord de la ville bénéficiait d’une protection identique, si je ne me trompe.

  7. h.o.aNo Gravatar dit :

    Pour info, la procédure de rénovation est en cours,
    http://www.ancien-hopital-sion.ch/page1.php
    dont voici le mémo concernant l’intervention à réaliser :
    http://www.ancien-hopital-sion.ch/page52.php
    Selon les plans des architectes :
    http://www.cagnawengerarchitectes.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=53:hop1&catid=46:monuments-historiques&Itemid=71

    Techniquement c’est assez clair. Les instances de conservation du patrimoine ayant joué leur rôle (@ La fille en rose > correction du projet demandée par la Commission fédérale des monuments) :
    pas de destruction des escaliers (conservation de certains éléments classés), mais nettoyage du bâtiment de toutes ses adjonctions, (travaux accomplis en 1932) afin de lui redonner son aspect initial.

    Financièrement, la question doit certainement être débattue entre la Ville, le Canton et la Confédération : qui va payer ?

    Mais tout ceci n’explique qu’en partie la question du planning et les 2 ans de retard (déjà).
    Et démontre surtout la place réservée aux questions culturelles dans notre région, et la capacité (toute économiquement relative) de nos institutions à mener un projet dans ce domaine.

  8. H.O.ANo Gravatar dit :

    Si vous me permettez le glissement, voici l’idée de « création » que l’on bétonne dans nos contrées (concrétisée en 1 année) :
    http://www.sion.ch/pdf/ART_PRESSE_sion_investit_dans_creation.pdf

  9. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Y a-t-il un architecte dans la salle?
    Je ne sais pas vous, mais je trouve le projet et le « mémo » – c’est pour pas oublier de rien faire? – de l’ancien hôpital un peu légers pour un tel objet…
    Quant à ce fameux Espace à la Con, est-ce qu’il a bien été mis aux normes sismiques?