L’affaire Christophe Darbellay – UBS aura peut être le mérite de  mettre dans l’agenda politique une question intéressante pour la démocratie, celle des lobbies.

Je suis surpris par la réaction de certains concitoyens qui ne semblaient  même  se douter qu’une banque de droit privé finançait des partis politiques suisses. Cela vient d’une conception naïve, typiquement  européenne de la démocratie et qui fait penser que  toute voix se vaut dans l’urne : un bulletin de vote = une voix.  En d’autres termes, le sens commun du rapport qu’entretiennent les citoyens ordinaires à la politique, c’est l’idée selon laquelle un électeur lorsqu’il vote exprime une opinion politique en affinité parfaite avec celle de son bénéficiaire, le candidat.  Daniel Gaxie, dans son livre phare « Le cens caché » s’était essayé à déconstruire cette idée et à montrer les implications sur l’ordre social et politique des acteurs dans le processus de décision.  Les agents sociaux n’ont pas le même poids dans le champs politique et ce même en démocratie. Le pouvoir des lobbies économiques, par exemple, fait que la voix du président du conseil d’administration du Crédit Suisse a plus de poids que celle d’un métallurgiste viégois.

Les lobbies ont divers moyens d’action: financer un parti, un homme politique, intégrer un homme politique dans son conseil d’administration ou payer un lobbyste professionnel qui fait les 400 pas devant le Palais fédéral et à l’Hotel Schwartzerhof de Berne… Une étude de 1988 montrait, par exemple, que le capital  financier moyen  par membre de l’Assemblée fédérale (Soit le capital total représenté par les divers mandats d’administrateur des parlementaires divisé par le nombre de parlementaire) était différent selon les partis.  Un parlementaire radical (il y  en avait 65) représentait  à lui  seul 225 millions  de francs d’intérêts particuliers. Un PDC, 132 millions, un UDC 123 (c’était avant la blochérisation), un PS 9 millions. (Ca me fait d’ailleurs penser au fameux livre de Narcisse Praz, « Le petit livre vert-de gris » où l’anarchiste nendard passait au crible les conseils d’administration des chefs de l’armée suisse.)

Le lobbying est un phénomène qui franchit les  barrières nationales et temporelles. La différence est dans l’appréhension de ce fait social. En Europe et dans les pays francophones en particulier, cette notion a pris  une connotation péjorative extrême en y insérant un côté secret et complotiste. Au Etats-Unis, le concept d’intérêt général n’est pas le même qu’en  Europe et y  est  perçu comme la somme de tous les intérêts particuliers. Cela a favorisé une institutionnalisation des lobbies et donc, une plus grande transparence dans le financement des partis politiques et des hommes politiques . Les différents factions et lobbies sont connus de tous. L’électeur est au courant que voter pour tel ou tel candidat revient à donner sa voix à un lobby particulier.

Loin de moi l’idée de vouloir copier les Etats-Unis mais n’y aurait-il pas des pistes qui pourraient nous inspirer, comme obliger les députés  et les partis à  tenir une comptabilité sticte de leur revenus et intérêts ? Le débat mérite plus que trois maigres paragraphes sur un blog…

Cet article a été publié le mercredi 3 juin 2009 à 17 h 18 min et est classé dans Non classé. Vous pouvez en suivre les commentaires par le biais du flux RSS 2.0. Les commentaires et pings sont fermés.