Il faut savoir que la vie en montagne (fût-elle moyenne) n’est pas des plus faciles. Les conditions climatiques sont âpres, l’air y est rare et les joies simples et exceptionnelles. Ainsi, le montagnard sait-il profiter des petits plaisirs que son existence de durs et fastidieux labeurs lui laisse. N’allez pas croire qu’à Hérémence (pour prendre un exemple au hasard) les distractions soient monnaie courante. Une fois le foin rangé, les vaches gouvernées, la femme couchée et l’apéro fini, une fois qu’on a sobrement contemplé la dent d’Hérens dans la lumière rose d’un soir d’été, qu’on s’est une fois de plus extasié sur ce pays si beau qu’est rien qu’à nous et qu’on s’est encore et encore répété qu’on a quand même de la chance avec le temps, on s’emmerde ferme dès quatre heures et demie. Ainsi pour passer le temps, l’autochtone placide guette de son œil torve le moindre soupçon de début d’intérêt dans son quotidien morne et sans couleur. Dans ce contexte de pesant ennui on comprendra que le fait qu’une énorme prostituée allemande décide de faire disperser ses cendres dans le pré que l’père Mayoraz a vendu aux Teutons ait de quoi alimenter les conversations vespérales.

C’est encore une fois le jeune Logean qui s’est indigné en premier. Ah, l’impétuosité de la jeunesse! Ni une ni deux, car c’est un garçon dynamique qui ne reste pas les deux bras croisés dans le même sabot, il a renversé   le tapis de Jass et de sa belle écriture d’écolier pré-pubère, il s’est fendu d’un communiqué de presse autant virulent qu’hallucinant contre « ces pratiques intolérables »…

Et qu’ont-elles donc de si intolérable ces pratiques? Qu’est-ce qu’un petit tas de cendres déposé entre deux bouses peut bien avoir de choquant, de grossier, d’inconvenant ou d’indécent? Qu’est-ce qui dans les activités de la société commerciale « l’Oasis de l’Éternité » peut bien motiver une demande d’ouverture d’enquête et deux interpellations à la prochaine session du Grand Conseil?

Si le communiqué ne répond pas directement à ces questions, il laisse apercevoir quelques pistes et nous laisse espérer sur les prochains combats des jeunes UDC valaisans.

Il y a d’abord le fait que ce soit une activité commerciale à but lucratif. Pensez donc, faire de l’argent sur le dos des morts en saignant aux quatre veines les familles éplorées! Quel manque de tact, de dignité. Venir ainsi salir le recueillement et l’affliction des proches avec de bas et vénaux agissements. Beurk! Les jeunes UDC du Valais romand proposent donc une motion urgente pour que cessent dans le canton les pratiques scandaleuses des entreprises de pompes funèbres et que le service des petites annonces mortuaires du Nouvelliste soit considéré comme étant de service public et par là même étatisé.

Et puis il y a bien sûr « le tourisme de la mort » que cela draine. Pensez-vous à tous nos beaux coteaux envahis par de hordes de pèlerins même pas catholiques venus pour se recueillir sauvagement sur le lieu qu’un de leurs amis a choisi comme ultime demeure?  Imaginez-vous ces troupeaux de bouillants soiffards venus hurler à gorge déployée leur peine immense d’avoir perdu celui ou celle qu’ils aimaient au creux de nos calmes et paisibles vallons? Les jeunes UDC du Valais romand lancent donc une interpellation urgente pour que les étrangers ne pouvant prouver la présence d’une combinaison de ski dans leurs bagages ou leur volonté d’en louer une au plus vite ne soient pas admis sur le territoire cantonal. Dans le même temps une initiative cantonale visant le rapatriement immédiat des restes de Rainer Maria Rilke chez les chleuhs doit être lancée.

Mais surtout ce sont des étrangers, des pas de chez nous qui viennent jusque dans nos Alpes salir nos verts pâturages de leurs restes impies. Si on ne prend pas garde, on va se retrouver avec des cendres de boches, de ritals ou même de bougnoules pour fertiliser nos champs et faire pousser les regains. Si ça ce trouve ça va même changer le goût de l’herbe, du foin, du lait, du fromage et de la viande. Les fières et belles vaches vont certainement cesser de combattre et ce malgré l’atavisme belliqueux de tous les non-Suisses. C’est certainement prouvé scientifiquement que les cendres d’étranger sont deux, dix, allez disons cent fois plus toxiques que des cendres de bon Suisse (mais pas les naturalisés). Il n’y a pas de bon étranger, même mort.

Les jeunes UDC du Valais romand lancent donc (et là c’est pour de vrai) une motion « visant tout particulièrement à interdire tout épandage de cendres d’étrangers sans autorisation communale ». On attend avec enthousiasme les différentes applications de cette loi pour savoir si les autorisations communales se feront au cas par cas (basées sur un certificat de bonnes mœurs du défunt), si les étrangers de seconde et troisième génération seront touchés par cette mesure et si enfin mémé aura le droit de répandre les cendres de Kiki, son Pékinois arthritique mort d’un cancer de la truffe, dans son jardin. Méfions-nous de la menace jaune.

Un chose semble cependant à peu près sûre: on devrait encore pouvoir disperser des cendres d’étranger dans la forêt profonde pour peu qu’on puisse prouver qu’on l’ait fait brûler soi-même avec de l’essence sans plomb.

Alcazard, pute allemande (comme tout le monde)

Cet article a été publié le mardi 11 janvier 2011 à 15 h 59 min et est classé dans le couteau entre les dents, News. Vous pouvez en suivre les commentaires par le biais du flux RSS 2.0. Les commentaires et pings sont fermés.