Victor Hugo, mon amour. Ah bon?

Victor Hugo mon amour. Le spectacle d’Anthéa Sogno, sorti de France – ce grand brûlot d’idolâtrie hugolienne – pour deux représentations (l’une à Sion hier soir, l’autre à Yverdon ce soir) n’a pas convaincu un public qui devrait pourtant être habitué à la médiocrité de la programmation du théâtre de Valère.

Victor Hugo et Juliette Drouet se sont aimés pendant cinquante ans, au cours desquels ils ont su maintenir une passion vive – au prix surtout des sacrifices de celle-ci, confite d’amour dans l’ombre secrète de celui-là. La correspondance abondante des deux amants recèle des merveilles ; voilà pour le matériau.

En ce qui concerne la mise en scène, il faut reconnaître que le décor et les costumes s’accordaient parfaitement à la salle, très Napoléon III ; on aurait pu se croire au théâtre des Variétés à la fin du second Empire, mais, malheureusement, on ne va plus au théâtre en habit. Boudoir de courtisane tendu de pourpre, costumes d’époque;  jusqu’aux bottines, il ne manquait pas un bouton de guêtre. Le parti pris audacieux de la représentation en costumes est dangereux : il ne souffre pas la moindre médiocrité. La redingote et le gilet de flanelle rouge exigent une gestuelle adaptée, une diction à la française parfaitement maîtrisée – il ne suffit pas de jouer le passé, il faut l’incarner tout entier, sinon c’est la glissade grotesque vers l’opérette. A noter également le jeu indigent des lumières.

Une mise en scène plus sobre – costumes contemporains discrets, mobilier épuré, toute ressemblance avec les protagonistes originaux farouchement combattue – aurait servi le texte bien davantage, dans la beauté intemporelle de la passion.

Les scènes d’amour sont un peu gênantes ; on s’embrasse à pleine bouche, on se tripote, on mime un coït pour coller à la réalité épistolaire – les mots crus ne manquent pas dans les originaux, certes – mais ça ne prend pas, si j’ose dire, avec ces acteurs déguisés. A moitié Offenbach, à moitié Zola, on a plutôt l’impression de voir Nana troussée par le comte Muffat.

Enfin, faut-il tout de même le dire, les acteurs ne sont pas à la hauteur de leurs prétentions. C’est la première fois que j’ai envie de rire à la lecture de Demain, dès l’aube. Le costume d’époque appelle la déclamation assumée des vers, la pleine acceptation de cette touche de grandiloquence de la poésie hugolienne, sans la maîtrise de laquelle on tombe impitoyablement dans le puéril ; vouloir ressembler à Victor Hugo demande la restitution d’une parcelle – même infime – de son génie. Pas de grandeur, pas de puissance, rien de l’exubérance érotomaniaque du vieux triton de Guernesey. On ne croit à rien pas un seul instant.

Pauvre Toto. Pauvre Juju.

Orgel, hugolâtre déçu.

Un commentaire pour “Victor Hugo, mon amour. Ah bon?”

  1. FernandNo Gravatar dit :

    Sur la page de présentation du théâtre de Valère, on peut lire :

    « Christophe Barbier écrit dans L’Express :  » Jamais l’amour d’une femme n’a donné un spectacle si bouleversant. On est charmé par la plume de Juliette, ému par tant de dévouement. Voici comment on créer de l’inoubliable avec de l’éphémère « .

    Si les analyses théatrales de Christophe Barbier sont égales à ses analyses politiques, je suis sûr, sans avoir vu la pièce, que le spectacle était une belle daube…