Des dames de fer dans le Vieux Pays

« In the morning, i took a fast train to Geneva. We rattled through a succession of charmless industrial towns – Sierra, Sion, Martigny – place that seemed to consist almost entirely of small factories and industrial workshops fringed with oildrums, stacks of wooden pallets and other semi-abandoned clutter. I had forgotten that quite a lot of Switzerland is really rather ugly. And everywhere there were pylons » *

Voila l’image du Valais que se font les millions de lecteurs anglo-saxons du best seller de Bill Bryson (qui traversa en train notre canton), « Neither here, nor there »  : un champ de pylônes et de baraques déglinguées. Et voila qu’on veut encore nous imposer la construction d’une ligne électrique à très haute tension allant de Chamoson à Ulrichen. Des pylônes qui pourront avoir une hauteur de 90 mètres supporteront les nouvelles lignes électriques. C’est l’équivalent d’un immeuble de 20 étages ou de la longueur d’un terrain de football.

Lors de la construction en 1889 de la Tour Eiffel, ils  furent nombreux à crier au scandale esthétique; plus de cent ans plus tard, le monument parisien est devenu le neuvième lieu touristique le plus visité de France. Par contre, il n’y a aucune raison d’espérer que les générations futures viennent se bousculer  en masse pour admirer les pylônes  haute-tensions de Mörel. Pas sûr non plus que le magnifique  parc naturel du Binntal près de Brigue gagne en popularité en se voyant survolé par des lignes électriques.

Qui plus est les populations concernées par ces projets, comme c’est le cas à Salvan, se montrent, à juste titre, inquiètes pour des raisons liées à des risques pour la santé publique et d’aménagement du territoire (perte de valeurs des terrains à proximité des lignes aériennes).  Les opposants au projet prônent donc l’enterrement des lignes sous la vallée du Rhône .

Le problème est naturellement d’ordre économique puisque le marché de l’électricité occupe une place importante dans le PIB du canton du Valais et cette autoroute électrique permettra de relier le réseau romand au réseau national et d’anticiper  les projets hydroélectriques de Cleuson-Dixence et Emosson en augmentant les capacités de transport de l’électricité. Or la construction à ciel ouvert est moins onéreuse que la variante enterrée. Les opposants aux lignes aériennes se basant sur les exemples tessinois, français et allemands certifient  que le coût de celles-ci est seulement inférieur de 2 à 3  fois de celui d’une construction enterrée. Ce que contestent  les initiateurs du projet. Se basant sur des études « indépendantes » pour le trajet Chamoson-Chippis, ils arrivent à la conclusion que l’enterrement des lignes couterait de 11 à 40 fois plus cher que la solution aérienne devisée à 70 millions de francs.

Il va donc  falloir choisir entre le principe élémentaire de précaution lorsqu’il s’agit de santé publique, une vision environnementale et touristique à long terme ou une politique économique à meilleur coût .   Le débat n’est pas clôt et fera encore parler de lui tant on sait que les oppositions au projet vont se multiplier. La question risque d’ailleurs d’être  problématique pour la classe politique valaisanne qui devra aussi se déterminer et dont la marge de manœuvre est faible puisqu’il s’agira de ne pas froisser une partie de l’électorat que le projet de lignes ouvertes dérange et menace ouvertement.

Fernand qui s’en fout vu qu’il habite rive droite du Rhône

* Bill Bryson, « Neither here, nor there », Black Swan, 1991, p.225.

2 commentaires pour “Des dames de fer dans le Vieux Pays”

  1. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Il suffit de lire les descriptions bucoliques et enchanteresses des premiers touristes anglais qui traversaient le Valais (cette appellation – d’ailleurs fort récente – de « Vieux Pays » m’est particulièrement odieuse) au tout début du XIXème siècle pour se faire une idée du massacre. Martigny, une bourgade au milieu des vergers, Sion et ses murailles, Sierre qui saura, un peu plus tard, aimanter Rilke lui-même, et Loèche, ah Loèche! Et aussi un Rhône majestueux, des torrents indomptables, de vierges sommets. Les autochtones, par contre, n’y ont pas toujours été présentés sous leur meilleur jour. Et regardez ce qu’ils en ont fait, de leur beau Valais! On ne pouvait peut-être pas attendre mieux d’une telle engeance…

  2. OrgelNo Gravatar dit :

    Je ne peux qu’applaudir au commentaire de sardinaluile. Le simple fait que ce projet ait germé dans le cerveau embué de quelques uns me révulse. Pauvres ploucs.