Comme le disait Vergères, on est pas en pôle position, mais on est pas loin derrière.  Quand je dis « on », je parle naturellement de l’armée suisse. En  matière de doctrine militaire dans le domaine de la  guerre psychologique, il semblerait qu’on soit vraiment bon. En tout cas, le major Czech, le sergent Hugon et le soldat Nicolet qui nous ont pondu la merveilleuse page 18 du Nouvelliste du jour.  Le team Voice of Switzerland de l’armée suisse utilise les plus fines méthodes de manipulation émotionnelle et cognitive afin de gagner la bataille la plus importante du moment, celle du cœur des lecteurs. A faire pâlir de jalousie l’ Office of Strategic Influence (OSI) de l’armée américaine. La guerre est l’art de la tromperie comme l’affirmait si bien Sun Tzu et préserver l’arrière du front du défaitisme et de l’antimilitarisme est vital. C’est  le principe de la guerre totale de Klausewitz.   Il m’aura donc fallu plusieurs lectures et un esprit critique affuté pour m’en apercevoir, mais nous sommes bien en face d’un article de propagande pro-armée de la part de spécialistes de la guerre de l’information.

Ce qui m’a mis sur la voie : les mini-interview du fond où un jeune couple martignerain affirme, le sourire aux lèvres : « Nous avons particulièrement aimé la prestation de la fanfare militaire. »  Est-ce leurs vrais noms ?  Quel est leur grade à l’armée ? Sont-ils payés pour dire cela ?  Des questions légitimes tant il est fortement improbable que des gens normaux aient une quelconque affection ou penchant déclaré pour de la musique militaire. Ça jamais !  C’était bien vu, mais un peu trop gros !

Le reste de la page est nettement plus fin. Notamment la magnifique photo où de braves soldats posent avec des handicapés. Ils auraient pu produire un cliché suintant le pathos, qui montrerait un soldat suisse transportant dans ses bras une fillette blessée et traversant un champ de mine sous les tirs des ennemis à turban. Mais ils ont préféré la sobriété afin de ne pas alerter le lecteur et de ne pas le tromper. Il  en va de même pour les autres articles qui présentent, dans un souci de quasi-objectivité, notre glorieuse armée. On peut donc envoyer des cartes postales gratuites grâce à la poste militaire, faire des loopings en avions, déguster de succulentes croûtes au fromage du bataillon de cuisine. Et les attributions de l’armée, des plus honorables y passent aussi : comme le dit si bien le major Czech, « il est important de se rappeler que les tremblements de terre existent aussi en Suisse » et que seule l’armée avec ses FAS90, ses knägis,  et ses chars de combat peut y faire face.

Il faut avouer que l’opération de séduction est facilitée par le programme de la journées qui est particulièrement alléchant : défilé de mode militaire à 12:15 (collection 2009),  démonstration des animaux de l’armée à 12:45 (tous les grades), démo de sécurité sectorielle (comment défendre sa cave face aux Rouges ) à 14:30 et spectacle militaire comique Sportif-rythmique à 16:00 (présentation du livre des blagues sur l’armée) qui aura lieu en même temps qu’une démonstration sur la place des décombres (nouveau nom de Martigny).

On peut  certes relever un léger parti-pris dans la teneur de l’article,  mais, pour ceux qui trouveraient que l’expression « journalisme militaire » est oxymorique, il faut quand même signaler que tout ceci est fait dans l’intérêt de la nation. Et surtout à un moment où l’armée est attaquée par des militants gauchistes qui veulent interdire l’exportation de matériel militaire.  Une mesure qui serait catastrophique pour l’armée, la Suisse et le marché des croûtes au fromage.

Fernand, sous-chef à la PC

Cet article a été publié le mardi 6 octobre 2009 à 15 h 05 min et est classé dans Nos confrères. Vous pouvez en suivre les commentaires par le biais du flux RSS 2.0. Les commentaires et pings sont fermés.