L’homme est un homme pour l’homme

Freysinger est un homme responsable : il veut faire voter le retrait du loup de la liste des espèces protégées.

René Berthod se fâche tout rouge et prône l’extermination du monstre.

Mais qu’en est-il des bergers imbéciles qui n’ont toujours pas appris à se protéger du prédateur en dressant des clébards dont c’est le métier depuis des lustres? N’ont-ils pas lu les contes de Charles Perrault, qui apprennent aux petits enfants depuis trois siècles à se méfier des grosses bêtes qui rodent dans les bois? Ah mais non, c’est vrai : la nature est désormais parfaitement sécurisée, on peut laisser paître sans surveillance son troupeau; depuis l’extermination de l’ours et du loup, la montagne est devenue un grand et beau jardin paisible. Si le berger devait vraiment vivre du fruit direct de son labeur, il n’attendrait pas pour protéger ses bestiaux. Il faut croire qu’il retrouve ses billes autrement.

Le loup est un symbole de la culture humaine, des prêtres d’Anubis aux jumeaux de Rome, en passant par les Inuits. Son mode de vie tribal, sa force protectrice et nourricière ont toujours fasciné les humains, terrorisés en même temps par la dangerosité de la prédation: le loup, c’est un homme avec des poils et des grandes dents (c’est Plaute qui l’a dit, d’abord).

Or, de la fascination naît l’état d’alerte indispensable à la survie. L’homme fasciné, au sens étymologique du terme, développe des réflexes salvateurs et invente des stratagèmes pour inculquer ces mises en garde à sa descendance (les fameux contes, par exemple, font toujours peur aux enfants qui sont encore des hommes premiers, à l’instinct de survie suraiguisé; ce n’est que plus tard qu’ils apprendront qu’ils sont les tout-puissants du règne animal). On a tous fait cette expérience : seul dans la forêt, la nuit, on finit par entendre des bruits bizarres et par avoir du mal à refouler cette envie primale de foutre le camp à fond de train. Voilà un petit bout de l’héritage.

Je veux dire en cela que l’homme est redevable au loup, et à toutes les autres grosses bêtes, d’une partie de son patrimoine génétique. Le loup a aiguisé notre instinct par sa menace; il a contribué à faire de nous des êtres conscients de leur finitude – et partant des poètes. Il est aussi la seule bestiole sauvage a être biologiquement capable de nourrir des petits humains, et Romulus et Remus sont peut-être autre chose qu’une légende fondatrice.

Tout cela sans compter que la volonté d’extermination officielle d’un animal donne la nausée à tout être humain digne de ce nom.

Il faut aussi savoir que si le monde vivant a connu depuis son éclosion 5 grandes périodes d’extinction, nous sommes en train de vivre la sixième, connue sous le nom d’Extinction de l’Holocène. L’homme en est le principal acteur, bien sûr.

Loup, si tu tombes

Un loup sort de l’ombre

A ta place.

Orgel

2 commentaires pour “L’homme est un homme pour l’homme”

  1. LiliNo Gravatar dit :

    Le loup a aussi poussé notre créativité a concevoir des armes à feux pour se défendre des animaux qui pourraient nous attaquer ou attaquer nos animaux domestiques. Alors…PAN!

  2. sardinaluileNo Gravatar dit :

    Une légende amérindienne, qui raconte le monde avant l’arrivée des hommes, présente le loup comme une créature digne de respect et même – tenez-vous bien – dont les qualités et le mode de vie seront un exemple pour les Indiens. On a bien fait de les zigouiller aussi, ceux-là…