Petite feuille d’histoire

Le temps est à la mémoire et aux effusions commémoratives. Il y a cinquante ans disparaissait un géant, un colosse, un père, le meilleur d’entre nous. À l’heure où notre pays, sous les différentes attaques de ces fourbes étrangers aux doigts avides, peine à retrouver une fierté nationale,  il est bon de se rappeler que cette terre a enfanté de vrais héros que le monde nous jalouse. Des hommes au menton carré et bien rasé qui savaient insuffler dans le cœur de chacun de leurs concitoyens ces élans de fierté martiale qui font les grandes nations, tendent les pantalons des mâles et tachent les culottes de pilou de leurs pourtant toujours fidèles compagnes.

Las, de mauvais esprits, des journalistes nihilo-bolchéviques, des ennemis du pays, tentent de salir l’image de l’homme qui a su, à lui seul, lors de la dernière boucherie qui ensanglanta l’Europe entière, protéger notre nation et ses nobles habitants en faisant barrage à l’envahisseur teuton de son petit corps musculeux, bien campé sur ses jambes arquées et ses fesses fermes de cavalier émérite. Ces sales traîtres, ces faux Suisses (des naturalisés sans doute) profitent perfidement de la commémoration  du décès dans son lit du dernier général suisse  pour rappeler son goût prononcé pour les bottes bien cirées, les trains qui arrivent à l’heure, les discours bien sentis et sa prétendue aversion pour les nez arqués et les dévoreurs d’enfants qui font du cheni.  C’est bien petit, bien triste et bien mesquin. Voilà.  Mais, prenant exemple sur le jubilaire, Monsieur Philippe Barraud, journaliste indépendant, n’hésite pas à se dresser, hier, seul au milieu de la foule de ses confrères rubiconds et goguenards, pour rappeler à ces impudents les règles de déontologie  élémentaires auxquelles leur métier commun les astreint et sauver par là notre Général de l’insulte et de l’opprobre.

Comment, en ce jour de recueillement national où toute la patrie unie doit témoigner tel un seul homme de sa reconnaissance sans réserve, oser remettre en cause le rôle essentiel du Général dans la sauvegarde de notre pays? Qu’est-ce que c’est que ce prétendu « travail de mémoire » à faire? Comment peut-on juger les comportements des grands personnages historiques à l’aune de la morale d’aujourd’hui? Hein? Pourquoi pas juger le fascisme pendant qu’on y est? Et le national-socialisme aussi, pourquoi pas, d’une peine! Et puis le communisme aussi! Comment? Hein?… Ah oui, le communisme on peut, pardon…

C’est pas grave si, alors que l’Allemagne nazie s’apprêtait à exterminer méthodiquement une bonne grosse quantité de la population européenne sous prétexte de teint jaunâtre et de doigts crochus, la Suisse se choisissait tranquillement un commandant de corps qui préférait l’austérité, la discrétion toute en pudeur des chemises noires ou même brunes à une ostentatoire étoile  d’un  jaune criard. Il faut savoir que, remis dans le contexte des années trente, le fascisme c’était pas tellement tellement grave. Et le jaune ça ne va pas avec tout non plus.

Non, c’est vraiment dégueulasse ce qu’ont essayé de faire ces deux « journalistes » de l’Hebdo la semaine dernière. Monsieur Barraud, ce libre penseur, a eu grandement raison de nous mettre en garde contre ce « révisionnisme malveillant ».

Pour la semaine prochaine vous me trouverez trois exemples de « révisionnisme bienveillant » pour compenser.

Alcazard, fourrier au militaire qui déménage à Territet


28 commentaires pour “Petite feuille d’histoire”

  1. gaelNo Gravatar dit :

    Personnellement je participe à cette commémoration à ma manière : J’amène de la bouffe grasse aux pigeons qui vivent à proximité de la statue genevoise de ce brave général, la nature fait ensuite le reste et fournit les décorations que mérite tout cadre militaire helvétique digne de ce nom.

  2. TapiocaNo Gravatar dit :

    « il n’y a évidemment rien de nouveau dans le dossier à charge du magazine, rien qu’on ne sache déjà »

    Non seulement ces gauscistes sont ignobles, mais en plus ils ne font que redire la vérité ad nauseam…si ca c’est pas de la pure propaganda malveillante ! Me suis bien poilé en lisant l’article de l’Hebdo en question, j’imaginais déjà débarquer la charge héroîque du sieur Barraud, et il ne m’a déçu en aucune manière, j’en avais presque la larme à l’oeil tant ce fut grotesque et ampoulé

  3. DarayNo Gravatar dit :

    Bof il semblerait que l’un des journaleux soit sioniste…
    En tout cas la CICAD a fait de la pub pour l’un de ces bouquins.

  4. AlcazardNo Gravatar dit :

    Quoi? les « sionistes » auraient des choses à reprocher au comportement du Général? Vous me surprenez énormément….

  5. DarayNo Gravatar dit :

    @ Alcazard non, pas les Sédunois …

  6. wingsNo Gravatar dit :

    Histoire – ni gauche ni droite !

    Une longue prose ironique pour finalement délivrer quel message ? Votre agacement face à la ferveur de la population de l’époque pour son général ? La rage face à certains historiens, commentateurs ou journalistes qui essaient de comprendre des faits anciens en les remettant dans leur contexte, plutôt que de les juger avec des valeurs actuelles (qui ont forcément évolué) ?
    Alors forcément, Alcazard utilise quelques raccourcis bien sentis pour faire part de sa désapprobation, pour introduire, subrepticement, l’idée que le général a préféré fermer les yeux sur la catastrophe qui se jouait à l’extérieur de nos frontières. Pourtant ces quelques phrases ne suffisent pas à nous convaincre. Le rôle de Guisan était avant tout de veiller à la sécurité du pays. A ce titre, il a certainement agi en fonction de la mission qui lui a été confiée. En relisant la (foisonnante) bibliographie qui lui est consacrée, vous remarquerez certainement qu’il est parvenu à insuffler un certain esprit de résistance, alors que des citoyens, se sentant encerclés par les forces de l’Axe, auraient préféré un alignement sur l’Allemagne nazie.

    Quant aux journalistes en question, il ne s’agit pas de leur reprocher une quelconque appartenance politique. Non, il s’agit plutôt de critiquer leur approche versant dans le sensationnalisme (« Le mythe se lézarde » un titre qui devrait faire vendre), de nous faire croire que l’on apporte des éléments nouveaux (alors que tous les faits présentés étaient connus – mais parfois mis en scène de façon à donner un petit parfum de scandale – ex. affaire « Charité-sur-Loire » alors que cette action visait à se prémunir contre la menace nazie…) et de faire preuve d’une certaine partialité. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais je ne considère pas cet article comme satisfaisant. Non pas parce qu’il essaie d’être critique, mais parce qu’il semble privilégier avant tout des éléments donnant l’impression de divulguer des scoops à l’odeur de soufre, plutôt que d’essayer de présenter toute la complexité d’une époque. Une présentation plus impartiale (et intellectuellement plus honnête) est forcément plus difficile et plus sobre. Forcément, ça empêche les raccourcis et ça risque de donner lieu à un texte moins accrocheur…

  7. CroquignolNo Gravatar dit :

    Le général Guisan est longtemps resté une incône intouchable en Suisse. Il se trouve que Barraud (et c’est de lui dont parle Alcazard) reproche aux historiens de faire leur boulot –porter un regard critique sur cette personnalité– en les traitant rien de moins que de révisionnistes. En gros, il ne faut pas toucher au mythe de St-Guisan perpétué tout au long de la Guerre froide.

    Malheureusement le général n’a pas fait que fermer les yeux sur ce qui se déroulait hors de nos frontières. Il est l’un des principaux responsables de la politique de fermetures des frontières, alors que la Suisse n’a jamais été menacée d’une invasion par les troupes du Troisième Reich à cause des réfugiés (comme l’écrit le résumé du rapport Bergier « Les Suisses et les nazis » pp. 48-51).

    Maintenant, prétendre que ces faits sont connus de tous et que porter un jugement de valeur sur ces évènements, ou sur sa grande admiration pour Pétain, n’est pas acceptable sous prétexte de contextualisation, cela n’est pas très honnète non plus. Ou comme l’écrit Barraud: Guisan a fait des erreurs, qui n’en fait pas? A ce niveau, on peut trouver des excuses à n’importe qui.

  8. wingsNo Gravatar dit :

    Attention, Guisan (et l’armée) a (me semble-t-il) appliqué des mesures politiques concernant les Juifs. Il n’en a pas été l’instigateur. D’autre part, il est difficile d’estimer les conséquences de l’accueil des Juifs en Suisse, dans le cadre de nos relations avec le Reich. Une chose est certaine : l’obsession de l’Allemagne nazie pour la question juive était bien réelle. Dans ce contexte, une ouverture inconditionnelle de nos frontières aurait certainement entraîné des « tensions » (et le mot est faible) avec notre grand voisin. Or, il faut aussi rappeler : il existait une certaine différence entre les mesures prises à l’encontre des Juifs et la réalité sur le terrain (http://etat.geneve.ch/dt/SilverpeasWebFileServer/03-Spira.pdf?ComponentId=kmelia106&SourceFile=1098194700082.pdf&MimeType=application/pdf&Directory=Attachment/Images/). Selon les endroits, la frontière a été plus ou moins poreuse.
    Dans ce contexte, et pour avoir une meilleure idée de l’ambiance régnant à l’époque, il est également intéressant d’analyser les réactions des autres Etats durant cette période. La Suède était, par exemple, beaucoup plus restrictive, de même que les Etats-Unis. De leur côté, les Alliés n’ont pas entrepris grand chose, même lorsque des propositions ont été lancées pour freiner la solution finale (par ex. bombardement de voies de chemins de fer). Bien entendu, ça ne retranche rien au tragique de la situation ; mais la comparaison a le mérite de replacer un cas dans un ensemble, favorisant ainsi une meilleure compréhension de l’histoire.

    Quant au « grand admirateur de Pétain », j’éviterais de me prononcer, car ce terme me semble nettement exagéré.

    En ce qui concerne les historiens, certains font preuve d’un manque d’impartialité qui dessert finalement l’histoire. Ce n’est par exemple pas à eux de porter des jugements de valeur. Les historiens sont là pour expliquer des faits de la manière la plus objective possible, en tenant compte de la complexité des événements relatés / analysés.
    Dans ce contexte, il ne faut par exemple pas oublier que la commission Bergier a été mise sur pied alors que la Suisse subissait d’importantes pressions. La « révision » de l’histoire établie à cette époque ne pouvait être totalement neutre. Ce qui est aussi dérangeant, c’est que les projecteurs ont été braqués sur le cas helvétique, alors que de nombreux Etats n’ont pas été obligés de faire leur examen de conscience. Tous ces éléments expliquent que certainement une majorité de la population s’est détournée d’un rapport (Bergier) qui a plus servi à calmer une certaine haine envers la Suisse, plutôt que de nous permettre de mieux comprendre cette période mouvementée…

    A ce sujet, des ouvrages comme « La Suisse dans la tempête » de Jean-Jacques Langendorf, et « Il faut encore avaler la Suisse » de Klaus Urner complètent un tableau à mes yeux incomplets.

  9. CroquignolNo Gravatar dit :

    Lettre du Général Guisan au Maréchal Pétain (avril 1941)

    « Monsieur le Maréchal,

    La vigueur morale, intellectuelle et physique qui vous est conservée au seuil de votre quatre-vingt-sixième anniversaire, n’est pas seulement un bienfait pour l’Etat et pour le peuple de France. Elle offre aussi à tous ceux qui, au près ou au loin, pendant un quart de siècle, depuis les grands jours de Verdun, suivent et admirent vos efforts, un spectacle réconfortant et un exemple édifiant.

    Les marques de l’intérêt fidèle que vous avez témoigné à mon pays et à son armée, en honorant de votre présence nos manoeuvres de 1937, sont toujours dans ma mémoire : j’en conserve un vivant et précieux souvenir.

    Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maréchal, mes voeux les plus déférents et cordiaux pour vous-même et pour l’avenir du pays auquel vous avez fait don de votre personne. »

    signé : Général Guisan »

    In Etudes et Sources , Archives fédérales, Berne 1984, p. 49.

  10. CroquignolNo Gravatar dit :

    Bien sûr, on peut discuter des différents points de vue sur l’attitude de la Suisse durant la guerre. Mais il faut admettre que le rapport Bergier et Jost ont le plus contribué à la remise en question du passé récent de la Suisse. Et c’est une bonne chose.
    Quant à juger de leur impartialité, c’est difficile à dire. Après tout, quand est-il de l’objectivité de ceux qui jugent les historiens? Pour Barraud, en tout cas, pas besoin de trop se prendre la tête.

  11. GogolNo Gravatar dit :

    Ah ben c’est bien sûr, le plan du réduit helvétique c’était pour mieux souhaiter la bienvenue aux Allemands!!! Comment n’y avais-je pas pensé. Pis le coup du discours du Grütli c’était aussi dans l’espoir que les Schleus bombardent et déciment un état-major trop réticent à l’Anschluss!
    Pis faut dire que Pétain, sa carrière s’arrête au gouvernement de Vichy. L’a jamais rien fait avant, juste un pion que les Allemands ont mis en place comme ça là hop! Ce salaud de Pétain il était vraisemblablement planqué dans les tranchées de la première guerre mondiale attendant impatiemment de quel côté fallait qu’il s’aligne! Non vraiment y a absolument pas de quoi, pour un militaire, avoir une quelconque admiration pour ce bonhomme! Sauf si c’est un gros nazi c’est sûr!
    Pour tout dire, c’est vrai aussi que le rapport Bergier est une véritable Bible des temps modernes, un concentré de vérités absolument incritiquable. Quelle bande de scélérats ceux qui osent en mettre un peu en cause l’impartialité! Prenez par exemple Lambelet, il est même pas historien! Certainement pour ça que sa méthodologie est mauvaise http://www.hec.unil.ch/jlambelet/monatsheflte.pdf Non franchement un économiste qui se permet de mettre son grain de sel dans les données chiffrées du rapport, c’est vraiment honteux!

  12. CroquignolNo Gravatar dit :

    Mais oui, Hitler tremblait devant la force de frappe de l’armée suisse. Et si notre pays n’a pas été envahi, cela n’a rien à voir avec sa politique économique de collaboration avec le Reich.
    Quant à Pétain, c’est bien la figure autoritaire sous Vichy que Guisan appréciait. Tout comme celle de Mussolini d’ailleurs. Comme on peut le lire dans un rapport de mission qu’il a écrit avec son collègue Diesbach (« En mission. Aux grandes manœuvres italiennes de l’Apennin Toscan-Emilien, août 1934″). Ce qui, bien sûr, ne veut pas dire que Guisan était un fasciste.

    «Le Duce: c’est à lui et non pas au fascisme que l’Italie doit sa transformation complète, totale, et qui tient du prodige.
    Une énergie, une volonté de fer, brisant tous les obstacles, d’avance, sans pitié ! Avec lui les étoiles qui se lèvent sont condamnées bien vite à disparaître. Il n’admet à ses côtés aucune gloire, aucune popularité rivale. Il est le maître: il Duce. L’Italie accepte sa puissance qu’elle ne pourrait plus discuter d’ailleurs aujourd’hui. Elle sait ce qu’elle lui doit. Elle supporte la main de fer qui a fait des miracles et qui, il n’est pas douteux, en fera encore.
    Le mérite de cet homme, de ce génie, c’est d’avoir su discipliner toutes les forces de la nation ; de les avoir réunies en un seul courant et d’exploiter ce courant exclusivement pour la grandeur de son pays. »

  13. GogolNo Gravatar dit :

    Une nouvelle fois je vais vous contredire. tout d’abord, lorsque vous ironisez sur la force de frappe de l’armée suisse, vous déplacez la question. Est-ce qu’on parle des volontés réelles (ou non) de défendre la Suisse contre l’envahisseur potentiel ou des raisons qui guident les agissements (ou non) de cet envahisseur potentiel. Il me semble que d’avoir mis sur pied la stratégie du réduit parle de soi-même: on ne voulait pas des Allemands en Suisse. Sinon, il aurait été bien plus commode de proclamer l’Anschluss non? J’en déduis donc que Guisan avait décidé de résister quoi qu’il arrive. Ca me parait du plus simple bon sens.
    Ensuite, même si vos propos étaient un peu hors sujet, je vais quand même y répondre. Vous avancez que la politique d’échanges commerciaux effectués avec le Reich décidée par la Suisse (pays neutre je le rappelle et donc habilité à le faire) ne suffit pas à expliquer la non agression nazie: en envahissant le pays, Hitler aurait pu avoir sous son contrôle direct l’industrie suisse, la place financière suisse, des réserves monétaires importantes, le contrôle de passages clés à travers les Alpes. Ne pensez-vous pas qu’il aurait été beaucoup plus rentable pour le Reich que d’avoir cela sous son contrôle direct plutôt que de profiter simplement de la collaboration économique??? J’en déduis donc qu’autre chose a dû décider Hitler et Mussolini à ne pas intervenir. Non?
    Concernant Pétain: je vous renvoie au texte que vous avez vous-même même mis ici en ligne: « Elle offre aussi à tous ceux qui, au près ou au loin, pendant un quart de siècle, depuis les grands jours de Verdun, suivent et admirent vos efforts, un spectacle réconfortant et un exemple édifiant. »
    Il me semble que c’est clair que Guisan part déjà des agissements de Pétain pendant la première guerre. La référence à Verdun ne prête aucune discussion possible à ce sujet. Guisan fait part de son admiration pour les comportements du général durant plus d’un quart de siècle et non simplement au gouvernement de Vichy. Il me semble également que ce document ne contribue qu’à mettre en avant le fait que Guisan loue les vertus militaires de Pétain et non celles de collaboration! Un militaire qui s’adresse à un militaire et qui voit en celui-ci un exemple à suivre dans son comportement de militaire.

  14. CroquignolNo Gravatar dit :

    Votre interprétation de la lettre de Guisan à Pétain me paraît tirée par les cheveux, d’autant que vous faîte l’impasse sur son écrit sur Mussolini qui était censé appuyer mon propos. Mais bon, je n’insiste pas… Sur ce sujet, par contre, le dossier de L’Hebdo conseillait la lecture de l’article suivant : « Guisan, 1918, 1934, 1940: les constantes d’une mission », que l’on peut trouver à cette adresse (http://www.labreche.ch/mps/docs/GuisanConstantes04_10.html). Mais bon, c’est un affreux marxiste qui l’a écrit. Du coup, vous pourrez faire comme d’habitude : l’accuser de partialité sans prendre la peine de le lire.
    Sinon sur le point qui vous tient le plus à cœur, je vous rassure, vous ne me contredisez pas. Ni moi, ni aucun historien à ma connaissance d’ailleurs, n’ont prétendu que Guisan n’avait pas eu la volonté farouche de résister quoi qu’il arrive à une invasion par les nazis.
    Par contre, le Reich n’avait pas intérêt à le faire. La place financière étant son principal fournisseur en devises, envahir la Suisse aurait rendu beaucoup plus difficile l’accès à cet argent, le nerf de la guerre.

  15. wingsNo Gravatar dit :

    Mensonges!
    « Les nazis n’avaient pas intérêt à envahir la Suisse? »
    Le pensez-vous le vraiment ? Un état totalitaire (faut-il le rappeler) aurait donc laissé un îlot au centre de l’Europe, un Etat qui aurait mené sa propre existence (qui a tout de même laissé entrer des milliers de Juifs sur son territoire, fournis des biens stratégiques aux Alliés, abattus des avions allemands survolant son espace aérien…) ?
    Que la Suisse ne représentait pas une priorité pour l’Allemagne nazie, je peux bien l’admettre. C’est d’ailleurs plus une question de disponibilité des troupes allemandes qui a empêché une action militaire à l’encontre la Suisse (campagne contre l’Angleterre, l’URSS). D’autre part, jusqu’à l’occupation de la France dite libre (novembre 42), la Suisse a profité de la trouée de Genève pour livrer des marchandises aux Alliés (voir Klaus Urner). Durant la guerre, la Suisse constituait aussi une place appréciée par les services secrets alliés (cf. Jacques Baud).
    Le rôle de la place financière helvétique est apparu après coup. De même, il est difficile de déterminer sa véritable importance dans le contexte d’un Contient largement occupé par un Etat utilisant la violence comme principal moyen de discussion.
    Si la vision d’une Suisse sauvée par son armée est exagérée, celle développées par certains historiens et journalistes l’est tout autant. Voulant démonter certains mythes, ils sont tombés dans l’excès inverse. Jost est dans ce cadre un joli exemple : un historien qui semble plus utiliser la science historique pour son propre compte ou au service d’une idéologie, plutôt que de présenter une vision impartiale et complexe de cette période. La majorité des études historique démontrent que le non-envahissement de la Suisse est certainement le résultat d’un faisceau de facteurs (stratégique, tactique, économique, idéologique, géographiques, etc.).

  16. AlcazardNo Gravatar dit :

    Et bien justement, et pour en revenir au merdique petit papier de Barraud, présenter le général Guisan comme unique sauveur de la Suisse est on ne peut plus risible. D’où le ton ironique de mon papier.
    Si l’article de l’Hebdo peux choquer par le ton, je vous l’accorde, un brin trop accrocheur de son titre, son utilité se trouve justifié par la réaction puérile et sans fondement de Monsieur Barraud. De plus je pense pour ma part que son contenu replaçait assez justement les différentes actions du Général et ses choix politique dans leurs contextes temporels.
    La critique facile de parti pris et de manque d’objectivité est un peu grosse quand on est capable d’écrire. « Guisan avait des défauts, Guisan a fait des erreurs? Oui, quel homme n’en fait pas? Reste qu’il a réussi un tour de force inouï: insuffler l’esprit de résistance aux Suisses. C’est irremplaçable, et pour cela, nous lui devons une reconnaissance sans réserve. »
    Ce culte du héros, au XXIème siècle est non seulement incongru et stupide, il est, et l’Histoire l’a prouvé plus d’une fois, des plus dangereux. C’est lui qui fait les soldats pour la guerre.

  17. wingsNo Gravatar dit :

    Grosse mélasse

    Est-ce que l’Hebdo a écrit son article uniquement pour faire contrepoids au texte de Barraud (« Si l’article de l’Hebdo peux choquer par le ton, je vous l’accorde, un brin trop accrocheur de son titre, son utilité se trouve justifié par la réaction puérile et sans fondement de Monsieur Barraud ».).Si c’est le cas, ce dernier jouit d’une grande écoute et on lui attribue de grandes influences (ce que vous semblez vouloir nier – donc contradiction).

    Pour ma part, je ne me prononce pas sur la prose de Barraud, mais sur les nombreuses simplifications contenues à ce sujet (voir interventions précédentes).

    Quant est-il des cérémonies consacrées à Guisan ? A sa mort, quelque 300’000 personnes sont venues lui témoigner un dernier hommage. Pour un pays comme la Suisse, c’est tout simplement incroyable ; et ceci constitue un fait historique. Autrement dit, Guisan, en raison de son époque et de sa personnalité, constitue un personnage qui a fortement marqué le pays. S’il y a quelques zones d’ombre, son rôle a globalement été perçu comme positif.

    En ce qui concerne votre dernier paragraphe, je n’en saisis pas le sens : « Ce culte du héros, au XXIème siècle est non seulement incongru et stupide, il est, et l’Histoire l’a prouvé plus d’une fois, des plus dangereux. C’est lui qui fait les soldats pour la guerre ».
    Incongru et stupide ? Pourquoi ? Parce que cela vous gêne que l’on évoque la popularité du général ? Par ce qu’il est parvenu, contrairement par ex au général Wille, de faire l’unanimité aussi bien auprès des Romands que des Alémaniques ? Parce qu’il a incarné un certain esprit de résistance dans des conditions difficiles ? Non, vraiment je ne comprends pas. D’autant plus que les valeurs défendues par Guisan ne représentent pas un danger pour notre société (à condition de ne pas instrumentaliser un contexte historique dans le dessein de faire un parallèle avec la situation actuelle).
    Je ne saisis pas non plus votre conclusion : « C’est lui qui fait les soldats pour la guerre ». Guisan n’est pas toute l’armée ; ni ne représente le système politique ayant constitué cette armée dont les soldats sont partie intégrante. En l’occurrence ces soldats (dont peut-être votre grand père) se sont mis, tout comme Guisan, au service du pays, parce qu’ils pensaient certainement qu’ils valaient mieux prendre les armes, plutôt que de subir le joug des nazis. Auriez-vous agi autrement ? Je ne l’espère pas…

  18. AlcazardNo Gravatar dit :

    Mélasse toi même d’abords.
    Comme le trait d’esprit et le raccourcit littéraire ne vous semble pas familier je vais me permettre de préciser:
    Sil y a encore en Suisse des gens capables d’écrire des conneries telles que celle que nous pond Monsieur Barraud sur le sujet alors oui, il est bon de dire et de rappeler que le Général Guisan n’était qu’un homme et qu’il a fait des erreurs.
    30’000 personnes pour son enterrement dites vous? Je vois que pour vous la qualité se juge à la quantité. Dois-je en conclure que vous ne lisez que du Dan Brown ou Marc Levy (plus forte vente), n’aller voir au cinéma que les superproduction hollywoodiennes (plus grand nombre d’entrées) et ne vous informez qu’avec le Matin (plus fort tirage) et TF1 (plus fort taux d’audience)?
    Je me permet encore de vous signaler que dans « C’est lui qui fait les soldats pour la guerre » le sujet n’est pas le général Guisan comme vous semblez le croire mais le culte du héros précité. C’est comme pour l’Histoire, si on relit calmement, avec un peu de recul, on comprend mieux.
    Je vous prie pour terminer de laisser mon grand-père là où il se trouve. Je doute de toute façon pour l’avoir mainte fois questionné sur le sujet que son point de vue sur la Mob ne vous fasse très plaisir.

  19. FernandNo Gravatar dit :

    Bien sûr que le rôle de Guisan a été perçu comme positif à l’époque. Bien sûr qu’à sa mort de nombreux Suisses ont été touchés. Bien sûr il a été perçu comme plus fédérateur qu’un Wille (et encore heureux).

    Mais cela ne signifie pas que la perception du rôle du général qu’avaient ces gens étaient la bonne. Au contraire, le recul et les éléments a disposition manquaient. C’est le rôle des historiens. Après on peut discuter du fond du problème et du positionnement d’un Jost, d’un Guex ou autre. Mais se baser sur l’opinion publique de l’époque n’amènera pas grand chose…

    Ensuite, vous dites :
    « Un état totalitaire (faut-il le rappeler) aurait donc laissé un îlot au centre de l’Europe, un Etat qui aurait mené sa propre existence  »

    Tout simplement oui. Let totalitarisme est une forme de domination qui vise l’hégémonie politique, idéologique en épurant la société de ses éléments considérés comme nuisible…dans un territoire donné. On peut théoriquement imaginer des états totalitaires qui vivent en bonne intelligence avec leurs amis sans vouloir forcément les annexer… Surtout quand le voisin sert d’échangeur économique….

  20. wingsNo Gravatar dit :

    A alcazard

    L’expression « grosse mélasse » ne s’adressait pas au personnage mais à votre texte (j’apprends à mes dépens que j’ai à faire à une personne qui semble assez susceptible ; j’essaierais d’en tenir compte).
    La quantité : 300’000 et non 30’000 !
    Dans certaines occasions, le nombre a une signification qui n’implique pas obligatoirement que la qualité ne soit pas au rendez-vous ! Lorsqu’un parti organise une manifestation, est-ce que la présence de nombreux participants n’a pas une certaine valeur politique, voire démocratique ?? Ou est-ce que ça signifie, comme vous semblez le suggérer, que la quantité n’est qu’un signe d’une médiocrité débilitante ?
    Dans les faits, Guisan a joui d’une importante popularité, grâce à son charisme, à son rôle durant la seconde Guerre mondiale et à un caractère faisant preuve d’un certain altruisme. D’ailleurs, pendant longtemps, des portraits de Guisan trônaient dans les familles ou dans de nombreux bistrots.

    Quant au culte des héros qui engendrerait la guerre, il faut encore une explication ; car sans contexte, cette phrase paraît vide de sens…

    Finalement, puisqu’on y est, je préfère le texte de Barraud qui s’élève contre un manque de partialité de la part des journalistes en question, que votre longue intervention ironique semée de poncifs réducteurs…

    Mais je m’arrêterais ici, car si j’apprécie d’échanger des idées amenées avec des arguments fondés, j’évite de me laisser entraîner dans des discussions m’emmenant sur les chemins de l’émotivité et de l’irrationnel.

  21. OrgelNo Gravatar dit :

    La Suisse rêve d’une grandeur que sa neutralité ne lui a pas donné; elle s’aperçoit un peu tard que Guisan n’était pas un héros et redimensionne désormais son costard à une carrure plus modeste – d’où des pleurs, des larmes et des grincements de dents. Il n’est pas facile pour un pays qui s’est mis à l’abri des pires heures de l’histoire d’arracher des bribes de gloire et de fierté – mais on ne peut pas tout avoir, hein : sortir indemne de deux conflits mondiaux et entretenir le culte des héros, ça fait beaucoup. Donc Guisan en prend pour son grade (élevé), c’est de bonne guerre, si je puis dire. La France a connu des moments épouvantables, pendant lesquels les crapules de la pire espèce ont côtoyé de vrais braves. Il y a eu la milice, et il y a eu Moulin. Il y a eu les pourris, et il y a eu les Justes. La France se raccroche au côté reluisant de sa médaille historique – est-ce une honte pour la Suisse de n’avoir sur sa médaille qu’un avers et un revers somme toute assez ternes? Je ne crois pas. Le fait est que la politique helvétique a sauvé tout un peuple de cauchemars sans nom, peut-être un peu par lâcheté, peut-être un peu par profit, et puis alors? Cela vaut mieux sans doute que le grand traumatisme.
    Il ne faut pas en plus réclamer des héros.

  22. wingsNo Gravatar dit :

    Bien entendu, les historiens mettent en perspective les événements et leurs acteurs. Evidemment, nous avons découvert de nouvelles facettes de Guisan. Cependant, il reste celui qui a incarné un certain esprit de résistance (finalement le job pour lequel il a été choisi). D’autre part, je suis d’avis (même si je suis conscient que c’est de la spéculation) que la plupart des admirateurs de l’époque n’aurait pas l’impression d’avoir été trahi par ces révélations. Et encore une fois, ces 300’000 personnes (soit environ 5% de la population de 1960 !) ont une signification au niveau historique. Une biographie sérieuse qui ne mentionnerait pas cet événement serait incomplète.

    Quant à votre argument, il ne tient pas. D’une part, parce qu’il a été prouvé que le Reich a développé des plans visant à envahir la Suisse. D’autre part, parce que l’Allemagne s’est à plusieurs fois plaintes, par rapport au comportement de la Suisse (soit au niveau économique, politique ou militaire), déplorant une certaine partialité de notre Etat ; signe que la position de la Suisse ne leur convenait pas. Enfin, le rôle de la place financière suisse a pris de l’importance lors de l’avancement du conflit. Il est difficilement imaginable que les dirigeants nazis aient échafaudé des plans permettant de tirer parti des instituts bancaires helvétiques avant le début du conflit (un aspect qui n’était certainement pas l’une des priorités parmi les buts de guerre allemand !). Dans le cas contraire, c’est accorder beaucoup d’influence à la place financière helvétique (une influence, qui le cas échéant, aurait pu se retourner contre eux).

  23. OrgelNo Gravatar dit :

    Le fait que 300’000 personnes aient rendu un dernier hommage à Guisan en 1960 apporte davantage d’eau à mon moulin qu’au vôtre : la Suisse s’est raccrochée à la figure salvatrice du héros pour communier à sa manière à la grand’messe de l’histoire. C’était le seul moyen de se prouver qu’elle aussi avait participé à l’aventure de toute l’Europe, un peu comme ces résistants de la dernière heure qui allaient vite décrocher un vieux Lebel du galetas en août 44. Impensable en 1960 de considérer l’histoire sous un autre angle, sous peine de dépression nationale généralisée.

  24. CroquignolNo Gravatar dit :

    Les accords de clearing entre la Suisse et l’Allemagne ont été mises en place dès 1931. Ce système permet aux entreprises suisses d’exporter leur produits vers l’Allemagne, puis elles se font payer par l’Office suisse de compensation, qui se fera lui-même remboursé par l’organisme correspondant en Allemagne. Lorsque la guerre commence, ce système permettra au Reich de se fournir en devises.
    Ces dernières sont vitales pour l’Allemagne, car le franc suisse est l’une des rares monnaies qui reste convertible tout au long du conflit. Elle permet au Reich de se fournir en carburant, par exemple, ce qui me paraît essentiel pour faire la guerre. Alors, oui, j’estime que la place financière helvétique a eu beaucoup d’influence.
    Sinon, on peut ajouter que l’industrie suisse a exporté des armes et munitions entre 40 et 44, pour 633 millions de francs vers les pays de l’Axe; et 57,5 millions vers les Alliés.

  25. bob au casque flamboyantNo Gravatar dit :

    @wings : un peu de couilles que diable ! Laissez donc sortir cette animalité qui rendit sourd Saint Jean-Baptiste de La Salle !

    Sinon vive le général tout sec !!

  26. TapiocaNo Gravatar dit :

    « la plupart des admirateurs de l’époque n’aurait pas l’impression d’avoir été trahi par ces révélations. »
    Tout à fait d’accord avec vous, et c’est ce qui rend le texte du sieur Barraud d’une lourdeur toute pataude, du genre « Pitié ne touchez pas à mon joujou bande de vilains armés de Mont-Blanc » (cliché quand tu nous tiens) et je parie également mon quatre heures que le Général doit se trouver bien marri dans sa tombe de se trouver aussi mal défendu.

  27. GogolNo Gravatar dit :

    Bah quand on voit Churchill rétorquer à un Staline plutôt agressif contre la Suisse qu’il est hors de question que les Alliés passent par le territoire suisse pour la simple et bonne raison que celle-ci s’est parfaitement tenue à son statut de neutralité, on peut laisser les chiens aboyer….
    Juste pour répondre à Tapioca en passant: vous me faites un peu sourire, vous ne savez même pas ce que je lis et vous venez me dire que j’évite de lire les marxistes pour leur partialité. Vous avez tort. Ce que je peux éventuellement reprocher aux marxistes c’est plutôt leur partiElité, à savoir la réduction de l’analyse à l’aspect matériel des choses. Et ce pour la simple et bonne raison que j’estime, contrairement à Marx que c’est plutôt la superstructure qui définit l’infrastructure et non l’inverse. Toutefois je reconnais volontiers la validité de l’outil d’analyse marxien à un niveau micro et m’en sers même à certaines occasions.
    Pour en revenir à mon interprétation de la lettre de Guisan à Pétain, je vous rétorquerai qu’à mon sens, le document que vous avez mis à propos de Mussolini abonde dans mon sens. Guisan s’exalte des vertues très militaires du Duce. Quoi de plus normal pour un militaire? Il établit clairement la distinction entre le Duce, ou plutôt sa capacité à discipliner le pays, et le fascisme qui n’est pas, selon lui, la secret de la réussite…

  28. TapiocaNo Gravatar dit :

    « vous venez me dire que j’évite de lire les marxistes pour leur partialité. »
    J’ai dit ca moi ? Bigre, tel Monsieur Jourdain, je fais du marxisme sans le savoir…c’est beau comme du Millenioume ^^