Tout beau, tout neuf !

Un bistrot qui meurt, c’est une vision du monde qui disparaît. Ça doit être ça, la pensée unique.  L‘Arlequin à Sion  en est la dernière victime.  Comme pour la Cour des Miracles de Sierre, l’enterrement a eu lieu et le faire-part se trouve en page 27 du Nouvelliste du jour.  L’Arlequin de Sion, lui qui a vu défiler des myriades de couples de cinéphiles amourachés en attente d’une représentation de « Cocktails » avec Tom Cruise et autres merveilleux films que les cinémas de Sion s’évertuent à nous projeter.  Remplacé par un lounge cosy à l’ ambiance ethnique, version IKEA des années 70. On imagine les serveuses à robe à paillettes façon boule à facette disco.  Avec un bar illuminé et des  murs violets parce que dans le dernier numéro de « Psychologie » il était écrit que le violet est une  » couleur chaleureuse, énergique, pénétrante et d’une certaine manière rassurante et enveloppante. » Tout pour mettre à l’aise l’assureur de la place du Midi et la femme du médecin qui expose ses dernières « créations » dans la galerie du coin. L’architecte d’intérieur a quand même obtenu 6 crédits au cours de formation continue « Modélisation et exploitation de l’espace  créatif dans une structure conviviale de bar et autres lieux de sociabilité »  à l’EPFL.

Mais il  y a pourtant des malheureux : les 50 autres propriétaires de lounge-bar sédunois en concurrence et dont les outils de travail se retrouvent démodés, avec leurs style ethno-minimaliste 2008. Oui, les fauteuils à piètement chromé en croix à fixation excentrée façon Scott Collins, c’était peut être encore à la mode début 2009, mais maintenant, c’est has-been. Les joueurs de foot du FC Sion l’ont bien compris. Le Rainer Maria-Rilke de la rue de la gare c’est fini. D’ailleurs ils ont cherché sur internet : ledit Rainer-Maria n’a jamais chaussé de crampons. Et leurs copines coiffeuses, elles en avaient aussi un peu marre, la terrasse ne se prêtait pas bien à l’exhibitionnisme.  D’ailleurs sur la platine tournait encore Easy listening chilloutl lounge session, volume 8 alors qu’on en est déjà à l’opus 15. La jeunesse branchée n’attend pas. Vive l’Arlequin.  Mais sans Colombine, qui a un faciès de hippie mal fagotée, peu compatible avec les lieux nouveaux.

On va me dire que je suis un affreux réactionnaire de gauche et qu’il faut repenser le café (au sens large) comme un objet construit qui n’apparaît pas comme par enchantement, mais bien dans certains types de configurations sociales et spatiales. Mais quand même… J’aime les vieux bistrots. Ceux que Doisneau photographiait, que Prévert mettait en vers et que Brassens chantait. Pas ces boui bouis aseptisés, propres en ordre, terriblement ennuyeux, sans âme qu’on tente de consacrer comme lieu de sociabilité et qui ne sont généralement que des lieux d’individualité et de cloisonnement. Juste bons à servir de lieu de lecture du Matin pour des misanthropes que le jass exaspère.

Fernand, qui avait rendez-vous avec son assureur…

15 commentaires pour “Tout beau, tout neuf !”

  1. l'apostropheNo Gravatar dit :

    m’étonnerai qu’on trouve encore des cafés arrosés à deux francs à Sion… particulièrement dans ce genre d’endroits plus enclins à faire clinquer l’oseille de leurs assureurs de consommateurs que celle du bon pain frais.
    heureusement qu’il y a la greu’ qu’il disait l’autre.

  2. FernandNo Gravatar dit :

    Et encore… Le prix de la bière de cave y est exponentiel depuis des années….

  3. CroquignolNo Gravatar dit :

    N’empêche qu’on y fait les meilleurs capuccinos de la ville.

  4. Jean-John RoduitNo Gravatar dit :

    Cher Fernand,

    Je me suis laissé dire que ces derniers temps on vous croiserait plus facilement du côté du Contre-Jour ou du Giorgio qu’à la Grenette. Dois-je accorder un quelconque crédit à ces bruits de couloir?

    Bien à vous,
    Jean-John

  5. FernandNo Gravatar dit :

    Je vais là où on m’offre des verres, cher Monsieur !

  6. jean-pascal-fournierNo Gravatar dit :

    toujours autant négatifs les gauchistes

  7. GuduleNo Gravatar dit :

    Y a t’il un fumoir, dans ce nouveau troquet ou est-ce un établissement privé pour non-fumeurs ?

  8. GauchatNo Gravatar dit :

    AH l’Arlequin. C’est dans les toilettes de ce troquet que j’ai vomi pour la première fois consécutivement à un abus d’alcool. Que de souvenirs…

    Je suis à peu près d’accord sur tout Fernand. Sauf que le cours « Modélisation et exploitation de l’espace créatif dans une structure conviviale de bar et autres lieux de sociabilité» vaut 4 crédits et non 6 à l’EPFL.

  9. La KnoepfNo Gravatar dit :

    Ah! On sent que Fernand a du faire science-po… Et ce n’est pas le style d’écriture qui me met sur la piste! Mais y a que chez eux que tout vaut 6 crédits!

    D’ailleurs le brillant Professeur Jost le disait: « Un science-po, si maintenant il sort, là, et qu’il arrache un buisson… il aura droit à 6 crédits! »

  10. FernandNo Gravatar dit :

    https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=760659&LanCode=37

    Et ça c’est un mémoire de licence à 6 crédits ou bien ? Africaniste, je vous dis. J’ai peut être pas obtenu le fameux prix du meilleur mémoire de licence (tout ça à cause d’un sujet bateau qui a influencé le jury de gauchistes) , moi Mossieur, mais je n’ai jamais vomi à l’Arlequin !

  11. hoaxNo Gravatar dit :

    Et c’est bien là le nœud de notre problème :
    On ne va plus « au bistrot », mais on va « boire un verre », « lire le journal » ou « prendre un café », à la limite « avec » quelqu’un.

    Les commentaires laissés sur ce poste, focalisés sur le « débit de boissons », le goût de ces consommations et leur prix, confirment cette tendance de l’acte individuelle comme nouvelle référence de l’environnement social.
    Le lieu de sociabilité n’est plus d’abord celui de l’environnement physique engendrant des conditions auxquelles nous réagissons, mais d’abord celui de ces conditions même que nous convoitons.
    Nous nous branchons à des idées (l’opus 8 ou le 15, le violet, les crédits d’étude) contenues dans un environnement physique créé de toute pièce (le plus neutre possible, afin de pouvoir y coller un maximum d’individualités !) et non-plus hérité.

    En clair, on ne peut s’en prendre qu’à notre soif de choix et de nouveauté, et éventuellement à l’attitude consensuelle de nos chers tenanciers.

    Et l’internet-café dans tout ça ?

    Oh putain, 10h20 : apéro !

  12. GauchatNo Gravatar dit :

    Loin de moi l’idée de remettre en question l’excellence de votre travail, cher Fernand. J’ai encore en tête d’ailleurs quelques anecdotes et autres métaphores savoureuses sur les relations franco-africaines… Et je suis d’accord avec vous concernant le prix, il aurait dû revenir à l’auteur granoiso-nendard du post signé « La Knoepf »(qui n’est donc pas moi), qui signa un mémoire brillant (bien qu’un poil abscons…). De toute façon, mon mémoire est caduc, vu que Haider est mort et que Blocher c’est tout comme. Et de toute façon, le meilleur c’est Claude Lützenschwab!

  13. FernandNo Gravatar dit :

    Je crois bien être le seul universitaire au monde qui ai réussi à citer Frédéric Mitterrand, Eric Zemmour, Tiken Jah Fakoly et Thierry Meyssan dans sa bibliographie de mémoire. Je crois bien avoir mérité ce putain de prix, rien que pour ça.

    Mais non on a préféré privilégier le pathos et une vulgaire étude-comparaison entre le FPÖ et l’UDC dont l’essentiel a probablement été pompé sur J.-Y Camus, coquilles y comprises. Un petit succès de librairie, certes, mais qui manque de fraicheur et ne donne pas le goût de la lecture aux plus jeunes.

    Vous relirez mon opus qui s’est montré tout à fait prophétique sur les évènements actuels en Afrique. Peut être même que les chinois se sont inspirés de mes fines analyses pour mettre un pied sur le continent de Wole Soyinka et de Roger Milla.

    Une analyse aussi puissante que celles de Hervé Lochmatter dans le Journal de Sion.

  14. GauchatNo Gravatar dit :

    Ah je me souvenais plus que tu avais cité Thierry Meyssan (pour son ramassis parano post-11 septembre?) et l’inénarrable eric zemmour… Hum, moi j’ai fait plus fort, j’ai cité une vieille connaissance du blog, à savoir Ueli W. dans mon mémoire… (mais le Ueli fréquentable des années 80). Bah de toute façon ce prix controversé a été bu en un soir dans des tournées à la brasserie du château, tournées dont je te le rappelle tu as profité. Donc sans rancune.). Vive Dietmar!

  15. FernandNo Gravatar dit :

    Il fut un temps où Meyssan était aussi fréquentable et écrivait sur les activités africaines de Pasqua et de Chirac…